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Avortement : le deuil invisible

Chaque année depuis trois ans, c’est la même chose. À l’approche du 6 avril, je sens une vague de tristesse lourde et profonde faire son chemin dans mon corps. Est-ce mon inconscient qui me précipite sur ce tracé accidenté qui mène à cette date fatidique, ou est-ce la personne que je suis devenue qui s’afflige cette peine volontairement? Un peu des deux, je présume. Les réponses ne seront jamais claires et, dans ce cas-ci, les questions non plus.

Est-ce que je regrette mon geste? Non. Je le referais pour toutes ces mêmes raisons qui me concernent.

Mais j’ai ressenti une peine à laquelle je n’étais pas préparée. Je vis un deuil qui ne se dit pas, et qui ne s’apprivoise pas. Il s’accroche, cependant. Il s’est métamorphosé en une deuxième peau, ce spectre qui ne vit ni ne meurt. Il git dans le sourire des enfants des autres. Il jette un voile sur la lumière, les rares fois où je tiens un bébé dans mes bras. Il est une faiblesse dans mon genou quand je vois des couples qui s’aiment. De belles femmes enceintes. Des familles unies. Il râpe mon cœur sur l’asphalte quand je vois bien qu’on m’aime gratuitement, et qu’au fond de moi, je sens que je ne le mérite pas.

Les gens qui me connaissent ont tenté maintes et maintes fois de me rassurer rationnellement. J’ai été prudente, c’est vrai. Je fais partie du minime pourcentage des gens pour qui la pilule contraceptive n’a pas été une alliée parfaitement effective. J’ai souffert, c’est vrai. La procédure s’est étalée sur plusieurs semaines, trois hôpitaux, et de bien malheureuses complications.

Mais cette peine qui m’habite, c’est la seule forme de deuil à laquelle je n’aurai jamais droit. Ça semble peut-être étrange ou cruel d’en vivre un deuil, puisque j’ai moi-même pris la décision d’avorter. Pour certaines, un ou des avortement(s) ne laisseront aucune séquelle. Pour d’autres, ce sera dévastateur. Chacune le vivra différemment puisqu’il est impossible de prévoir de quelle façon votre corps, votre âme et votre cœur réagiront à une telle épreuve. Il importe seulement de prendre une décision éclairée, réfléchie et en fonction de soi, et d’accepter ensuite de vivre selon les aléas des émotions, des dates anniversaires, et surtout du temps qui adoucit les choses sur son passage.

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Si je pouvais te parler aujourd’hui, je te dirais que je t’aime. Que je pense à toi. Que j’ai pris cette décision pour nous deux. À toi, je ne voulais pas donner une famille instable comme celle que j’ai eue – ou pire encore. Je ne voulais pas que tu grandisses avec une mère qui allait un jour t’en vouloir parce qu’elle ne se serait pas réalisée, parce qu’elle aurait laissé tomber ses aspirations et ses rêves pour se consacrer entièrement à toi. Ce n’est pas que tu ne le méritais pas, bien au contraire, mais je crois bien que je n’y serais pas arrivé. J’ai longtemps mûri cette décision. J’étais moi-même une grande enfant triste et sans repères. Je suis toujours cette enfant qui ne sait pas, même si j’ai grandi.

J’espère que vous comprendrez. J’espère que si vous vivez ce deuil, vous vous sentirez moins seule. Mais surtout, j’écris pour vous demander de ne pas juger. Je sais bien que le 6 avril, j’ai besoin d’être aimée. J’ai besoin d’être aimée, d’être bercée et de me sentir acceptée, parce que derrière ce choix que j’ai fait, il y a des cicatrices que vous ne pouvez voir et une peine qui gronde, que je serai seule à porter. Pour toujours.

Photo de couverture : source

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