On ne va pas se le cacher, c’est rendu assez compliqué de simplement exister en 2020. Pas surprenant que les troubles d’anxiété soient en hausse. Tout va vite. Tout devient possible, aussi. C’est un couteau à double tranchant. D’un côté, c’est excitant, le sentiment d’avoir toutes les possibilités du monde pour son avenir, mais ça peut aussi être angoissant. On est loin de l’époque où les métiers se transmettaient de génération en génération. Aujourd’hui, on parle souvent de « trouver sa voie ». Il y a ces personnes pour qui c’est naturel. Elles n’ont jamais connu leur vie autrement, sans cette passion qui les fait sentir vivantes. On les envie, celles-là, parce qu’elles semblent avoir tout le temps du monde pour se développer pleinement dans leur discipline. Puis, c’est bien connu, nos capacités d’apprentissage sont plus grandes quand on est jeune. Mais il y a tous les autres aussi : les perdus, les mêlés, qui une fois à l’université deviennent des étudiants éternels changeant de pavillon trop souvent sans conviction. C’est angoissant, tourner en rond quand tout le monde te rappelle constamment que, pourtant, tu peux devenir n’importe qui. Ça ne tient qu’à toi rendu là, non ?
Mais je suis qui, moi, pour m’en plaindre ? Je suis la première à bénéficier des bienfaits du monde moderne. Si j’avais vécu à une autre époque, j’aurais probablement été condamnée à une vie ouvrière. Plus encore, je fais partie de ces gens qui ont trouvé leur passion très jeune. Dans mon cas, cependant, mon jeune âge n’a en rien garanti la symbiose avec mon milieu. Au contraire, ce qui m’attirait était étranger à tout mon entourage. J’aurais donné n’importe quoi, à l’époque, pour aimer les mêmes choses que tout le monde et être acceptée par les autres.
En vieillissant, j’ai fini par rencontrer d’autres personnes avec les mêmes intérêts que moi. J’ai aussi pu tenter de faire ma place dans le milieu qui m’attirait. J’ai vécu cette période comme un éveil, une effervescence incroyable. Pour ensuite rapidement tomber malgré moi dans une période de déréalisation totale : je ne rentrais pas non plus dans le moule des autres passionnés. Je ne me sentais bien nulle part ; je me sentais différente partout. C’est ce que je savais faire de mieux, et pourtant, mieux, dans ce cas-ci, n’était décidément pas assez. C’était une histoire d’amour unidirectionnelle. Et comme tout amour non réciproque, j’en ai souffert. Je me suis perdue longtemps avant de me retrouver, en pensant qu’il fallait que je change pour ce que j’aimais.
On aime ça, mettre les gens dans des catégories : pauvres, riches, sportifs, artistes, scientifiques. Ça vient généralement avec des idées préconçues sur chaque catégorie. On finit par la vouloir, notre étiquette qui nous définit. C’est moins angoissant comme ça. C’est normal de vouloir simplifier le monde compliqué dans lequel on vit. Mais au final, on finit toujours par s’étouffer avec notre étiquette parce qu’elle nous empêche d’avancer et d’évoluer. Je n’avais peut-être pas le parcours typique, mais ça ne voulait pas dire que je ne pouvais pas tout de même trouver ma place.
Je crois fermement qu’on a tous le potentiel de se réaliser pleinement dans ce qui nous passionne. Je suis naïve, tu crois ? Pas vraiment. Mais il faut s’entendre sur ce que veut dire « se réaliser pleinement ». La réalisation de soi, tu ne pourras peut-être pas l’afficher sur les réseaux sociaux. Elle ne paraitra peut-être pas non plus dans ton compte de banque. Une passion se vit d’abord pour soi. C’est quelque chose qui te donne envie de te lever chaque matin, que tu en fasses un métier ou non. Les passions sont régies par le cœur. Et le cœur ignore qu’il existe des logiques économiques ou sociales. C’est fort possible que ta carrière soit différente de ta passion (on a tous des factures à payer, après tout). C’est possible que ta passion ne te fasse pas gagner une seule cenne de toute ta vie, même. Notre temps est un bien précieux disponible seulement en quantité limitée, peu importe l’argent dont on dispose, et personne n’a les moyens de détester le chemin qu’il a emprunté pour atteindre un succès ou un résultat incertain en bout de ligne. Trop longtemps, j’ai vécu pour obtenir l’approbation des autres dans ce que je faisais.
C’est correct si tu ne te fonds pas complètement parmi ceux et celles qui partagent la même passion que toi. Tu as ton propre style, ta propre façon d’aborder les choses, ta propre histoire. Personne n’a innové en faisant exactement comme les autres, d’ailleurs. Qui sait ? Tu pourrais créer une véritable révolution. Ne change pas pour qui que ce soit ; ne change pas pour quoi que ce soit. On tend naturellement à performer dans ce que l’on aime. Fais-toi confiance.
Je te souhaite de trouver quelque chose qui te passionne dans la vie et de t’y adonner pleinement, peu importe la façon dont tu t’y prends.
Source: Joseph Gruenthal (Unsplash)