Les concours de beauté sont un concept très abstrait pour moi. Je n’en ai toujours entendu parler que d’une oreille assez distraite. À la base, ce n’est pas ma tasse de thé (soyons polis!). Je n’ai jamais non plus souhaité me renseigner à ce sujet, si bien que je ne savais pas qu’il existait plusieurs concours « Univers ». Il y a Miss Univers, qui appartient à Donald Trump et qui fait défiler de belles jeunes femmes de 18 à 26 ans en bikini puis en robe de soirée depuis 1996 (rien à changer à une recette gagnante, pas vrai?). Ça doit être la faute de l’actrice Sandra Bullock dans le film Miss Personnalité, ou peut-être parce que je suis née avec une génétique de féministe fru (#not), mais l’ensemble de l’œuvre m’a toujours semblé être un prétexte complètement ridicule pour faire balader des femmes en maillot de bain sans se demander si elles ont vraiment quelque chose à dire.
C’est tout dernièrement, en entendant parler d’Ashley Callingbull, que j’ai réalisé qu’il y a l’autre concours « Univers », le « Madame » (Mrs). Les différences majeures entre ce concours et tous les autres, c’est que Mrs Universe n’est ouvert qu’aux femmes mariées et qu’on ne les juge pas strictement sur leur apparence. Des candidates de toutes constitutions et de tout acabit se sont rendues à la finale de ce concours. Mais il y a encore plus intéressant! Chaque année, le concours se donne un thème sur lequel les candidates peuvent s’exprimer ou attirer l’attention du public tout dépendant de leur histoire et de ce qui les touche vraiment. L’édition de 2015 a été orientée vers la violence faite aux enfants en milieu familial. N’est-ce pas rafraîchissant de voir que de réelles problématiques sont traitées par l’entremise d’un concours de beauté international?
Ashley Callingbull a été couronnée la nouvelle Madame Univers, à la fin août. Elle est la première Canadienne à remporter ce titre et la première femme autochtone du Canada à être couronnée dans un concours de beauté du genre. L’actrice/mannequin/épouse/étudiante a livré un témoignage authentique et très troublant à travers ce concours, et c’est de cette façon que cette talentueuse et fonceuse femme Cri s’est démarquée des autres et a attiré mon attention, ainsi que celle du monde entier.
Victime d’agressions sexuelles et de violence pendant son enfance, madame Callingbull parle ouvertement de ses expériences et de celles de sa mère, soulignant que son attachement à la culture autochtone, à laquelle elle appartient, lui a très certainement sauvé la vie alors qu’elle guérissait des traumatismes de son enfance. Parmi les nombreux en liste : le fait de ne pas se sentir considérée et d’avoir grandi sous l’ombre du stéréotype de la femme autochtone qui n’accomplit rien parce qu’elle ne vaut pas une « vraie » Canadienne — oui c’est scandaleux, non on ne le pense pas, mais beaucoup de gens sont racistes à l’égard des communautés aborigènes. C’est d’ailleurs à ce propos qu’Ashley relance sans arrêt les médias ainsi que les gens qui la suivent sur les réseaux sociaux depuis sa victoire en tant que Madame Univers sur les problématiques vécues au quotidien par la population des Premières Nations au Canada. Ashley ne cache pas qu’elle souhaitait effectivement gagner ce concours, parce qu’en étant simplement actrice, mannequin ou étudiante, elle se désole du fait qu’elle n’aurait jamais eu la tribune suffisante pour que les médias s’intéressent au message qu’elle souhaite porter aux oreilles de tous les électeurs. Le timing n’est effectivement pas mauvais, en cette période de préélections.
Une Beauty Queen qui a une voix et qui s’en sert pour traduire la souffrance de ceux qui sont trop souvent oubliés et dont nos politiciens se désintéressent complètement? C’est beau.
Être belle et se taire? Non merci, pas vraiment!
AA ♥