Ce printemps, du haut de mes 19 ans, j’ai plongé dans des eaux totalement inconnues pour moi : les dates. Pendant que mes amies avaient leur première date au secondaire, j’avais d’autres sortes de rendez-vous, certains avec divers médecins ou avec mon lit. Les quelques fois dans la semaine où je m’aventurais à l’école, je partais souvent avant d’avoir terminé une demi-journée. Disons qu’à 15 ans, mes préoccupations n’étaient clairement pas en lien avec les garçons. Je n’avais pas le choix de me concentrer sur ma santé. Pour dépeindre un portrait honnête et simplifié de ma situation, je marchais avec une canne, mes amies m’aidaient à ouvrir mes plats de lunch et c’était plus facile de compter les périodes où j’étais présente à l’école que celles où j’étais absente. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, je suis toujours malade, mais ma situation a totalement changé : je suis de retour sur deux jambes, je suis indépendante et la première chose qu’on remarque chez moi, ce n’est plus la maladie. Toutefois, c’est une partie de moi, ça a grandement influencé la personne que je suis devenue. Donc, pour me comprendre, c’est une information plutôt nécessaire, mais, une fille malade, ça peut-être un peu effrayant pour un gars.
À l’hiver, j’ai fait ma première session d’école « sur place » après un an et demi à étudier dans le confort de ma maison. J’avais bien hâte de faire des nouvelles rencontres, puisque je pouvais enfin penser à autre chose qu’à ma santé. Finalement, mes espoirs ont été un peu relayés au plancher. Je me suis bien rendu compte que ce n’est pas évident de rencontrer des potentiels gars à dater dans un cours de cégep. Étant donné que mes amies et moi ne sommes pas trop du genre à sortir dans les bars toutes les fins de semaines, je me suis laissée tenter par la perspective de remettre le job de me trouver des prospects à une application de rencontres. Bien fière de mon idée, Happn était installée sur mon téléphone en quelques instants. Ça a pris un peu plus de temps avant que je comprenne le concept de l’application… j’aurais dû lire plus longtemps, ça m’aurait sauvé une semaine de niaisage.
Source
Après deux ou trois semaines, j’ai eu ma première rencontre grâce à l’application, mais bon, c’était aussi ma première date à vie. Le stress était au plafond et ma grenade dans ma poche. Qu’est-ce que je devais en faire de cette grenade-là? J’aborde le sujet ou pas? Si je le fais, comment j’en parle? En me posant beaucoup trop de questions, je me rends au point de rencontre. Si j’avais une grenade dans ma poche, j’avais clairement une bombe en face de moi. Les trois photos de son profil ne lui rendaient vraiment pas justice. J’ai rarement vu un gars aussi beau que lui et, en plus, il mesurait facilement 6’3’’ (j’ai un faible pour les grands gars puisque je suis plutôt grande). On avait prévu aller se promener sur Cartier, mais comme il pleuvait, on a fini par aller se promener dans le centre d’achats. D’habitude, je ne suis pas gênée, mais le mix « première date à vie + canon en face de moi » m’a déstabilisée. Il était tout à fait mon genre, sauf qu’on n’avait pas vraiment la même idée en tête… J’allais à cette date-là sans attentes, en ne me mettant pas de pression et je laissais aller les choses de façon relaxe. Lui avait plutôt l’attente de se trouver quelque chose de pas sérieux. Finalement, en se promenant dans les rangées des électroménagers chez Sears, je lui avoue que c’est ma première première date. Il avait de la misère à me croire, m’a fait répéter trois fois et a fini par me faire un câlin à côté des toasters. Puisqu’il doutait que ce soit vrai, j’ai décidé de lui dire la vérité. Je lui ai dit que je n’avais pas le temps avant vu que j’ai été assez malade. Je ne lui en ai pas trop dévoilé pour voir s’il allait dégoupiller la grenade ou non. Finalement, un peu plus tard, il m’a demandé si c’était contagieux… C’était la première fois que quelqu’un me demandait ça depuis que j’ai mes diagnostics (fibromyalgie et arthrite juvénile). J’ai bien ri à ce moment-là et chaque fois que j’y repense ou que je le raconte à une amie, je ne peux tout simplement pas refouler mon fou rire. Sa question confirmait qu’il ne cherchait rien de sérieux (c’est important de se protéger, mais l’arthrite, ça ne se transmet pas comme une ITSS). Bon, cette première rencontre n’était pas vraiment une réussite, mais au moins, ça me faisait une pratique.
La deuxième rencontre que j’ai eue, en quinze minutes, je savais que ce n’était pas le genre de gars qui m’intéresse. J’ai pensé à ma grenade et son potentiel ravageur, j’ai décidé de l’utiliser à mon avantage pour essayer de le repousser. Ça n’a pas vraiment marché, ce qui aurait été positif parce que ça ne le dérangeait pas. Comme il ne m’intéressait pas, ça m’a au moins permis de voir que ce n’était peut-être pas nécessairement une grenade que j’avais en poche.
La plus récente date que j’ai eue remonte à la période du Festival d’été. On s’était donné rendez-vous pour aller voir un spectacle. Finalement, on a jasé sur une terrasse avant d’aller sur les plaines. Le gars était vraiment sympathique, en plus d’avoir une belle gueule. J’étais contente, enfin un qui me plaisait. J’aurais clairement dû prendre une bière au lieu d’un simple verre d’eau même si je ne tolère pas bien l’alcool… ça m’aurait peut-être rendu service pour une fois. J’étais tellement nerveuse étant donné qu’il me plaisait que je n’étais pas moi-même. J’ai dit plein de niaiseries. Je ne lui ai pas caché que j’ai été malade, mais j’ai probablement pas fait assez attention parce que ma grenade m’a explosée en pleine face. Il n’a pas répondu à mon texto qui sous-entendait que j’aimerais bien le revoir. Je ne lui en veux pas, si j’avais été à sa place j’aurais probablement fait pareil.
Dater n’est pas un art facile à maîtriser, mais ma grenade me complique un peu la vie. Je dois apprendre à la désamorcer (à y penser, il me faudrait peut-être un militaire) et à me calmer quand je suis trop nerveuse. Pour l’instant, je vais essayer la bonne vieille méthode de sortir de chez moi. Par contre, les quatre ou cinq dates que j’ai eues m’ont aidée à comprendre un peu mieux le fonctionnement de ma grenade. En plus, c’est bien d’avoir de la pratique avant de rencontrer un gars qui pourrait me donner le goût d’avoir une relation.
Par Camille Bouchard