À vous,
Monsieur au grand cœur de papa ours, merci. Vous n’avez sûrement aucune idée de l’importance que vous avez eu dans la soirée de cette jeune fille au cœur visiblement brisé. Vous n’avez sûrement aucune idée non plus que cette lettre s’adresse à vous. Pourtant, vous avez fait toute la différence, à ce moment-là.
Il était 2h30 am. Je sortais du karaoké où j’avais enfilé les pichets de bière avec mon amie de fille. C’était une mauvaise période de ma vie, et je prenais avec joie le courage que me donnaient l’alcool et les chansons mal interprétées. J’avais choisi de terminer abruptement ma soirée pendant Confession Nocturne de Diam’s et Vitaa. Qu’est-ce que vous voulez, cette chanson raisonne trop de choses en moi. De votre côté, j’imagine que vous en aviez déjà vu de toutes les couleurs à l’heure qu’il était. Votre seule tâche était de me ramener à la maison. C’est pourquoi vous aviez amplement le droit d’ignorer les pleurs de jeune fille, faisant écho dans la noirceur de votre banquette arrière.
Vous deviez probablement avoir compris que j’avais trop bu, à la seconde où je me suis approchée de votre taxi. Je dois bien avouer que la subtilité n’est pas mon fort. Certainement, quelques braillardes avant moi devaient vous avoir entraîné à l’inconfort et à la patience. Au contraire, attentif, vous m’avez demandé si ça allait, si je pleurais. Même si je vous ai répondu, sans aucune conviction, que je ne pleurais pas du tout, vous avez insisté. Refusant mes mensonges évidents, vous n’alliez pas m’abandonner à ma tristesse. Il n’y a eu aucune permission d’intimité donnée ou demandée. C’est venu simplement et naturellement.
Vous m’avez promis que la personne qui me faisait aujourd’hui verser ces larmes n’en valait vraiment pas la peine. Peu importe la personne, peu importe les sentiments que je lui portais. Vous m’avez promis que j’étais trop belle et trop importante pour me laisser miner par quiconque. Je me devais d’être heureuse, pour moi. Ce serait ridicule de laisser une personne me gâcher la vie. Vous ne me connaissiez que depuis 3 minutes 25 secondes, et pourtant, vous preniez pour mon équipe. Je valais mieux que tout ça, selon vous. Vous avez refusé à plusieurs reprises mes excuses. On avait atteint la destination. Vous m’avez finalement souhaité de la chance et une excellente nuit.
Évidemment, j’ai continué à pleurer chez moi jusqu’au sommeil, mais le réveil a été plus léger. Je n’avais pas été complètement seule cette nuit-là.
Monsieur au grand cœur, je ne saurai jamais votre nom. Je n’ai pas de souvenirs de votre visage, ni dans quelle sorte de voiture on roulait, ni même si je vous ai remis un excellent pourboire (mérité). Je ne me souviens même plus exactement les raisons du pourquoi je pleurais en compagnie d’un inconnu. Par contre, ce qui est certain, c’est que j’ai eu énormément de chance de tomber sur vous. Vous avez réussi à m’apaiser et je vous en remercie aujourd’hui. Vous m’avez fait plusieurs promesses, cette nuit-là. C’est à mon tour de vous promettre que vos mots m’accompagneront pendant très longtemps.
J’ai envie d’offrir cette douceur à mon tour, à ceux qui m’entourent ou même ceux que je croiserai au détour. La générosité gratuite (autant des gestes que des mots) existe encore aujourd’hui.
Elle surgit même aux plus surprenants des moments. Suffit de regarder autour de soi et d’offrir ce qu’on a de plus beau, notre humanité et notre solidarité.
D’ailleurs, j’espère que vous passez une excellente nuit.
Gros bisous. xx
Signé, une fille qui va beaucoup mieux,
Marie-Rose Sirois-Bruneau
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