J’me souviens quand j’étais plus jeune, je voulais toujours avoir une année de plus. J’me disais que c’était cool 10 ans, mais 11 c’était mieux, qu’à 15 ans je serais une vraie adolescente, mais finalement non c’était plutôt à 16. Puis, 20 c’est un beau chiffre rond, 20 ans, ça sonne bien, mais 21 c’est plus cool dans l’fond, crime la majorité dans le monde!
J’avais hâte de vieillir.
Après 21 ans, c’était fini par exemple. Je savais que mes cellules ne se reconstruiraient plus; à partir de 25 ans, j’étais donc à la porte de la déchéance.
C’est aussi à partir de cet âge qu’on a commencé à me parler de REER, moi, caissière au Pharmaprix, fraîchement graduée du Cégep, en sciences humaines profil individu, la vieillesse venait de prendre une tout autre importance.
Parce que vieillir, ça peut être ben des affaires. C’est devenir plus responsable (il paraît), c’est avoir plus confiance en soi, c’est avoir des rêves, aller de l’avant, fonder une famille peut-être, concrétiser ses projets, prendre quatre jours pour se remettre d’une brosse. Mais c’est pas juste ça vieillir, c’est aussi avoir hâte que tes petits-enfants viennent te voir, prendre soin de soi (enfin), sentir que son corps ne répond plus aussi bien qu’avant, une perte graduelle d’autonomie, c’est aussi se sentir seul, parfois.
Personnellement, quand je pense à l’avenir, j’aime me dire que je vivrai vieille, têtue et rieuse, que mes petits-enfants viendront me visiter de temps en temps, que je n’aurai plus aucune gêne de dire ce que je pense pour vrai, même si ça fesse, que j’aurai une amie avec qui je boirai des mimosas à longueur de journée, que j’aurai mon homme auprès de moi, plus vieux et plus grincheux, qui boira la même bière que lorsqu’il avait 20 ans et qui m’aura suivi dans mes projets pas possibles. Mais c’est pas toujours comme on se l’imagine, y paraît.
C’est vrai que dans l’monde dans lequel on vit, t’es mieux de les avoir compilés assez tôt tes REER, si tu veux t’offrir un minimum de confort. Parce que la petite chambre, dans le petit centre, la petite bouffe fade, les petits soins, les rares petites visites de la famille, tu fais vite le tour. J’ai l’impression que vieillir, c’t’un peu du trouble pour la société. Comme un poids. On veut que nos vieux vivent longtemps, mais pas chez nous. On souhaite qu’ils soient bien traités, mais pas par nous. On voudrait qu’ils soient heureux, grâce à nous?
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Une vieille dame a un jour affirmé que de se faire appeler « vieux » correspondait davantage à un signe de respect, contrairement à « personnes âgées », « sénior » ou « âge d’or ». Dans vieux, on retrouve le mot vie. Les vieux, ils l’ont connu la vie, ils l’ont bravé. Ce sont de vrais habitués de la vie. Pis c’est pour elle, pour la garder le plus longtemps possible, qu’on se confine, qu’on travaille notre distanciation sociale, qu’on se lave les mains vingt fois par jour pis qu’on se beurre de Purell.
La vie, on l’a mis sur pause aussi. Pause sur l’économie, l’éducation, la routine. Pour garder nos vieux essentiellement, pour nous protéger aussi, « diminuer la courbe » comme disent les experts.
Pour certains, la quarantaine peut être synonyme d’angoisse, de vacances, de temps en famille, de projets, de solitude. La solitude que côtoient trop souvent nos vieux. Nos vieux qu’on critique même de vouloir prendre une marche pendant ce temps de crise, comme si, par souci de préserver leur vie, on confisquait leur liberté.
Peut-être que valoriser la vieillesse, plutôt que de la voir comme un handicap, pis je ne parle pas de rabais âge d’or ou de publicités pour les résidences Soleil. Je parle de respect, de considération et d’ouverture, dans nos relations et dans nos discours. Parce que pour l’instant, ça ne me donne clairement pas envie de vieillir ici.
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