Michel Marc Bouchard a commencé par écrire le scénario de The Girl King. D’abord peu enthousiaste à l’idée d’écrire un film biographique sur une reine de Suède, il est de plus en plus fasciné par ce personnage moderne, féministe et très peu de son temps (elle a régné de 1632 à 1654). La traduction du scénario, qui passe du français à l’anglais, lui donne l’impression de « perdre » un peu l’essence de sa Christine; c’est ainsi que la pièce Christine, la reine-garçon prend forme et devient une toute autre œuvre.
C’est cette pièce que le Théâtre La Bordée a choisi pour clôturer sa saison 2018-2019. Dans un décor monochrome, froid et austère, la reine Christine de Suède reçoit à la cour le philosophe René Descartes afin qu’il lui apporte des réponses aux questions qui la déchirent : qu’est-ce que l’amour? comment peut-on s’en débarrasser? doit-elle choisir Christine ou choisir la Suède?
La mise en scène, de Marie-Josée Bastien, est minimaliste et efficace. La musique, de Stéphane Caron, est sobre et discrète. Toute la place est prise par Christine, reine tourmentée, et ses sujets, qui gravitent autour d’elle et qui ne lui laissent aucun répit. Elle est femme et elle est reine, on attend d’elle qu’elle soit un ventre et pas un cerveau (interprétation libre : une bonne reine enfante des héritiers plutôt que de s’immiscer dans les affaires de l’État(!!!)). Mais, la petite reine a été éduquée comme un garçon (anecdote : dans la vraie vie, son titre officiel était « Christine, roi de Suède »). Elle a l’esprit aiguisé, elle est curieuse, elle jure. Elle n’a que faire des propositions de mariage qu’elle reçoit et elle est tiraillée entre son désir de faire de la Suède un pays plus sophistiqué, plus éduqué, et son désir de donner libre cours à ses passions sans le carcan que son rôle et son sexe lui impose.
La performance de Marianne Marceau dans le rôle de Christine est impressionnante. Sur scène, elle semble toute petite, mais elle dégage une énergie royale et autoritaire. La performance de Simon Lepage, quant à elle, ajoute un peu de légèreté dans tout ce drame… même si on haït un peu son personnage. Malgré que l’action se déroule au 17e siècle, les thèmes abordés sont (tristement?) actuels. Je suis ressortie de là en me disant : le monde change… mais pas tant que ça, finalement.
Ça faisait longtemps que je n’étais pas allée au théâtre, et Christine, la reine-garçon était une excellente façon de renouer avec cet art : j’ai passé une très belle soirée. Je t’invite à visiter le site web de La Bordée pour connaître tous les détails (psst! tarif spécial pour les 30 ans et moins!). N’hésite pas à arriver 15-20 minutes à l’avance, car, pour accompagner la pièce, La Bordée propose une petite exposition de grandes femmes qui sont un peu passées sous le radar de l’histoire, comme Joséphine Baker. Très intéressant!
Un petit mot supplémentaire sur l’auteur
Michel Marc Bouchard, c’est l’un des grands auteurs du Québec. Il est joué sur les plus grandes scènes québécoises et canadiennes et il est traduit en anglais, en espagnol, en italien, en allemand et en japonais. Son rayonnement est international et il a été primé plusieurs fois. Certaines de ses pièces ont également été adaptées au cinéma, comme Les grandes chaleurs et Tom à la ferme.
Christine, la reine-garçon est présentée au Théâtre La Bordée, du 16 avril au 11 mai 2019.
? Nicola-Frank Vachon