Hymne à toutes les Marie. Aux Marie blasées. Aux Marie épuisées. Aux Marie angoissées.
Marie s’est levée hier, mais ça a tout pris. Mettre le pied à terre lui a demandé autant de courage que le soldat qui s’en va combattre au front. Marie ne sait pas pourquoi, mais hier, la vie se voulait lourde pis épuisante.
Elle l’a porté toute la journée sur son dos son maudit sac de doutes, de rancunes pis d’amertume de 20 kilos.
Elle aurait voulu se faire petite pis se réserver un billet en aller simple vers un coin perdu en Alaska, pis tant qu’à y être rejoindre le phoque, qui comme elle, s’ennuie en maudit… Un endroit où y’a pas grand monde et pas grand bruit, mais où il fait « frette » comme l’bloc de glace qui la gelait à ce moment-là.
Chaque obligation et chaque demande qu’on lui faisait mettaient en scène une cacophonie qui l’agressait en dedans d’elle. Le monde autour l’écrasait. Elle n’était pas déprimée pourtant : elle était juste ben fatiguée. Il y a de ces journées qui l’étouffent encore pis encore pis où chaque conversation amorcée semble avoir quelque chose à lui reprocher.
Si tu lui avais demandé si ça allait, hier, elle t’aurait sûrement dit que oui. Elle se plaint rarement, Marie.
Elle traîne son sac tant qu’elle le peut pis quand elle n’y arrive plus, elle voyage un peu. Elle visite et revisite encore ses échecs, ses peines pis ses frustrations pis elle cherche un endroit où se reposer, et y laisse son bagage, prêt à déborder. Elle met pas mal trop de doutes, de rancune pis d’amertume là-dedans, je pense. Quand j’ai regardé ses yeux, hier, ils avaient l’air d’être ailleurs. Je pense qu’elle se cherchait un endroit où poser son sac.
Comme toujours, elle va nous revenir le cœur léger d’avoir voyagé pendant toute une journée, mais elle mettra, au final, son sac pas plus loin qu’au grenier : tout proche, en cas de besoin. Elle s’en fait souvent pour pas grand-chose, la belle Marie.
Quand je vais regarder ses yeux demain, j’espère qu’ils vont être ici pis qui vont rester. Je ne veux plus qu’elle collectionne les ressentiments comme on collectionne les trophées. Pourtant, elle le sait bien que ça ne peut pas toujours mal aller. Elle essaie d’apprendre à se laisser traîner et à se débarrasser tranquillement de ses doutes, de sa rancune pis de son amertume.
La job qui ne marche pas comme elle veut. Son stress qui s’en mêle. Sa famille qui demande toujours plus. Ses amitiés brisées. Les refus enchaînés. Ses échecs amassés. Sa paie qui n’entre pas. Ses enfants qui pleurent. Son ménage encore à recommencer.
Je le sais que c’est beaucoup pour elle, la petite Marie.
Parce qu’il y a de ces journées qui nous étouffent encore pis encore pis où aucun répit ne semble vouloir nous être accordé.
Mais tu sais, c’est pour ça, Marie, qu’on a inventé les lendemains : c’est pour qu’ils te tendent la main pis qu’ils t’amènent quelque part où t’es jamais allé encore. Un endroit où les choses prennent tranquillement leur place et où on peut mettre les problèmes sur la glace.
Repose-toi, jolie Marie, demain ira mieux.
xxx