Je suis à des années lumières de croire en un quelconque Dieu. Après Nietzsche et Camus, on se rabat sur l’ici-bas, on ne cherche pas une quelconque transcendance magique, on ne fuit pas, on affronte la réalité telle qu’elle est. Pris dans ce monde aussi magnifique et grandiose qu’injuste et absurde, j’erre dans ma médiocre enveloppe corporelle à me demander, parfois, à quoi ça rime tout ça. Je sais que la réponse n’est pas dans les religions orientales, ni dans de quelconques théories ésotériques. Être honnête avec soi-même, c’est admettre l’extrême vulgarité (la vie n’est que ça) de ce monde, son épouvantable silence et ne pas se réfugier dans le charlatanisme et autre chamanisme de bon goût.
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Comment donc sentir quelque chose de grand et de bouleversant, lorsque l’émerveillement de l’enfance nous a quitté, lorsque les fausses idoles ont été démasqués, lorsqu’au final nous n’aspirons à rien de plus que ce qui est devant nous, en chair et en os? Et pourtant… je n’ai qu’à fermer mes yeux quelques secondes pour retrouver une image, une sensation, un souvenir qui me remplissent de sérénité. M’ouvrir à moi-même, à mes souvenirs, à mes émotions, ne nécessite pas que j’entreprenne une retraite spirituelle, ni que j’écoute de drôles et lancinantes musiques orientales, ni que j’hume de l’encens jusqu’à en avoir mal au cœur.
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Le peintre Jean-Paul Lemieux a rendu mieux que quiconque la détresse de l’homme dans le monde.
Souvent, le grandiose se cache dans la petitesse et le simple vol gracieux d’un oiseau parcourant le ciel. La lumière éclaboussant l’eau d’une rivière, la caresse tout en frissons d’une légère brise sur notre visage ou le bruissement des arbres dans le silence d’une campagne sont suffisants pour qu’un petit bout d’éternité s’installe en nous. Mon petit truc, c’est de m’évertuer à chercher la beauté dans la ténuité, dans ce qu’on voit quotidiennement, sans jamais véritablement regarder. Et quel inexprimable contentement que de sentir tout son être s’engouffrer dans ces parcelles de beauté que le monde ne cesse de nous servir. Quelle anodine grandeur que de s’imprégner totalement de ce qui nous entoure, se dépasser pour atteindre une espèce d’harmonie où la notion d’individu s’éclipse au profit d’un tout. Rien d’ésotérique ici, seulement du ressenti!
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Ma vie spirituelle active ne se constitue pas vraiment de prières ou à de l’entretien de croyances farfelues. Une simple promenade peut être le prétexte pour me faire atteindre les plus hauts sommets de la méditation. Une musique que j’écoute jusqu’au plus profond des secrets qu’elle puisse receler, une image qu’un livre évoque et dans laquelle je plonge totalement, une relation sexuelle qui me transporte au-delà de moi-même, un paysage qui m’extirpe les larmes des yeux; voilà de quoi elle se nourrit. L’extase est composée d’une attention fine à la fois à ce qui nous entoure et à ce qui nous habite. C’est la rencontre des deux qui crée l’étincelle.
Mieux encore, je n’ai pas besoin d’être disposé pour le bonheur pour vivre quelque chose de mystique. N’avez-vous jamais pleuré tout votre soûl devant un film? La mélancolie, le vide et la douleur n’ont-ils jamais réveillé quelque chose de précieux en vous (une sensibilité nouvelle, un décuplement de votre capacité à percevoir le monde, une espèce de posture face au monde)? Les écrivains ne cessent de faire de jolis oxymores pour chanter les douceurs de la tristesse et l’ivresse de la solitude; c’est qu’ils ne font pas seulement là du style!
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Qui n’a jamais mieux regardé le triste ciel étoilé que Van Gogh?
La vie spirituelle se tient en suspend partout, il me suffit d’ouvrir les yeux et de la décrocher. Et une fois accueillie, une irrésistible envie de l’exprimer, de la convertir en quelque chose de tangible m’envahit. Pour moi, c’est l’écriture! Les questions demeurent, mais des ébauches de réponses s’arriment alors en moi; l’absurdité crie toujours assez fort, mais une forme de silence la contrecarre partiellement; le sens de la vie ne s’écrit pas soudainement sur les murs, mais j’ai désormais de vraies raisons pour me lever le matin.