Martin Schick est un Suisse venu nous parler un peu d’économie.
Mais il le fait à moitié.
Il est venu pour danser, aussi.
Mais il danse à moitié.
Le sujet du spectacle est sérieux.
Mais seulement à moitié (une très petite moitié).
Il propose la moitié de son cachet. Et la moitié de la scène.
Ensuite, la moitié de la moitié de la moitié, et toutes les moitiés inimaginables.
Martin Schick ne cesse de tout couper en deux, mais il ne fait pourtant rien à moitié dans ses métaphores.
C’est dans un décor des plus minimalistes qu’il se présente d’abord à nous.
Candide et amusant, Martin remplit la salle de sa seule présence. Il nous pose des questions sur notre présence, dont combien avons-nous déboursé pour venir le voir.
C’est ainsi qu’il enchaîne avec les coûts de sa présence sur scène, et il explique ainsi clairement les conditions économiques de la production du spectacle. Les concepts de productivité et de rémunération sont en avant-plans lors de la première partie du spectacle.
S’en suivent des comparaisons avec les pays industrialisés versus les pays dits « économiquement troublés » comme la Grèce.
Il invite par la suite un danseur d’origine haïtienne et il lui donne la moitié de son cachet ainsi que la moitié de la scène pour qu’il puisse danser.
Rien n’est laissé au hasard dans ses questions.
C’est à ce moment que le Halfbreadtechnique entre en jeu.
Il fait alors la démonstration d’un système de répartition des biens, la « technique du demi-pain », qui consiste à séparer en deux tous ses avoirs afin d’en faire bénéficier ceux qui en ont davantage besoin.
Il partage d’abord un morceau de pain, puis sa bouteille d’eau, puis le reste de son cachet, pour ensuite partager tous les biens impensables qui pourraient nous passer par l’esprit.
Il pousse les règles de base de l’économie de partage jusqu’à un extrême qui franchit les frontières de l’absurde.
Ce n’est pas un spectacle de danse à proprement parler. On pourrait également dire, à l’inverse, que c’est un spectacle de danse hors normes. Nous suivons néanmoins malgré nous la cadence particulière du personnage, au rythme des mouvements du danseur et des interactions toujours plus nombreuses et invraisemblables avec le public.
Ce serait un sacrilège de trop en dévoiler, mais il est clair qu’il redéfinit avec nous la conception que nous pouvons avoir du partage.
C’est dans une totale discordance et dans un ensemble plutôt hétéroclite qu’on saisit la nature de la performance.
Cette performance qui se construit en temps réel avec nous.
Cette spontanéité de l’acteur ne peut que traduire une recherche réelle de l’authenticité dans ses interactions.
Celles qui poussent le public à suivre les instructions et à partager de son temps avec lui.
Et avec nous-mêmes.