Ça commence toujours de la même façon. Un petit sentiment au creux de l’estomac, une fébrilité quand on regarde notre écran de cell plus souvent qu’à l’habitude. On attend un message, un emoji, un GIF. Le contenu, au début, on s’en fout un peu. C’est la présence qu’on veut. C’est la confirmation que l’autre pense à nous, qu’on est dans un coin de son cerveau. Pas dans toute sa tête, on veut prendre ça lentement, mais on veut être présent, comme un parfum subtil qui embellit une pièce sans qu’on sache exactement ce que ça sent. On veut se donner le temps de l’imprégner.
Ça ne commence jamais vraiment de la même façon, non plus. Si ça commençait toujours pareil, ça ne serait pas spécial. Il y a des nuances, des différences. On rencontre des tonnes de personnes tous les jours. Dans les couloirs de l’école, dans la file du Starbucks, en dansant tard la nuit dans un bar dont on oublie le nom. On swipe à gauche, on swipe à droite, on va prendre un verre, puis, éventuellement, on oublie de se rappeler. On disparaît dans la nuit, comme les fantômes modernes que nous sommes et morte est cette histoire avant même d’avoir débuté.
Puis, vient cette personne.
On ne peut pas l’expliquer, mais on sait que ça sera différent. On sourit quand on lit ses messages, on sourit quand on pense à elle. On sourit tout le temps, en fait. C’est primal, un sourire, c’est incontrôlable. On peut essayer de se montrer brave, de dire qu’on prend notre temps, mais un sourire, ça ne ment pas. C’est comme un cœur qui bat plus vite, c’est comme une volée de papillons dans l’estomac, sauf que c’est exposé au monde. Le sourire, c’est le bonheur qui n’en peut plus de se cacher.
C’est souvent le premier signe. Le moment où nos amis nous demandent : « Coudonc, pourquoi tu souris comme ça? » Tout à tout coup, on est gêné. On ne veut pas dire que c’est une personne qui nous fait sourire, on ne veut pas leur donner autant de pouvoir. Pourtant, c’est déjà trop tard : c’est dans la façon que ses phrases ont de compléter les nôtres, que les choses qui nous séparent nous intriguent sans nous diviser. Un étranger, mais pas un inconnu. Ça arrive rarement, mais, quand ça arrive, on le sait tout de suite, même si on ne veut pas le dire à voix haute. Le dire à voix haute, ça rendrait le tout vrai, et dans un monde rempli de faux, ça fait peur, le vrai.
Ce n’est pas facile d’apprendre à connaitre quelqu’un de nos jours. La vie est bonne pour nous malmener. Elle bouffe notre confiance à coup de messages textes lus et jamais répondus et de deuxième date promise et jamais livrée. On ne se laisse plus le droit d’espérer, on ne se laisse plus le droit de croire. Croire en quelque chose de solide, de mieux. On ne croit plus au vrai ; on a trop souvent caressé des yeux les rives d’une oasis qui n’était qu’un mirage. On ne se fait plus confiance, ni aux autres ni à nous-mêmes. Et si c’était un mirage à nouveau, si on ne retrouvait au creux de nos paumes qu’une poignée de sable chaud?
C’est difficile, faire confiance, surtout quand il n’en reste pas beaucoup. On est avare, on la garde pour nous, mais je pense que la confiance s’autonourrit : plus on en donne, plus on en crée. J’ai envie d’y croire. Dans un monde où on perd espoir un peu chaque jour, j’ai envie de croire qu’il existe encore du beau. Dans une mer de faux, j’ai envie de nager vers le vrai.
« On fait quoi avec ça, du vrai, quand on l’a trouvé? » me demanderas-tu. C’est un trésor, c’est beau, mais c’est terrifiant en même temps. On est content de l’avoir, mais on a peur de le perdre.
Il faut s’écouter. Le bonheur quand on reçoit un texto, le sourire niais après une date, l’envie de tenir une personne dans ses bras et de ne pas la laisser partir. De la garder près de soi, dans un cocon de draps et d’amour. Le sourire qui veut sortir, le bonheur qui veut être vécu. Ça ne ment pas, ces sentiments-là.
N’oublions pas : la confiance nourrit la confiance, mais c’est un engrenage long à partir… au départ, il faut lui donner un peu de jus.
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