Enfant, on se dit qu’avoir 30 ans, c’est être une « vraie » adulte. C’est avoir une maison fleurie, un mari qui porte des chaussures bateau et qui fait des blagues aux voisins, en plus d’avoir des enfants qui n’arrêtent pas de crier. C’est partir à notre travail de vétérinaire ou de chanteuse en talons hauts sans faire souffrir nos pieds de dame. C’est avoir un bureau rempli de livres qu’on a lus pour de vrai. C’est faire des repas entre ami.es le midi parce qu’« on va mieux digérer ». C’est jardiner avec un tablier. C’est porter de grosses boucles d’oreilles et avoir du rouge à lèvres sur les dents et sur notre verre de vin rouge.
On s’y voit déjà, et pourtant, 30 ans, c’est si loin . On a tout notre temps.
Je vois encore les autres adultes comme de grandes personnes. Ces grandes personnes qui, elles, ont atteint un chapitre important du livre Guide pour les nuls afin de tout faire comme il faut. Moi, ce bouquin, je ne l’ai jamais reçu!
Ce livre explique sûrement comment devenir une super maman et une femme bien dans sa peau, belle et accomplie. Une femme avec une stabilité financière et qui, en plus, trie ses déchets. Ce livre explique probablement comment devenir propriétaire de sa maison, d’une belle voiture et comment avoir un bon taux d’intérêt dans ses REER. Il y a de fortes chances que ce livre contienne aussi un chapitre sur les comptoirs de cuisine en marbre et un autre sur la manière de réaliser le plus beau potager. Une fois le livre terminé, on pourra se sentir comme une adulte accomplie.
On attend souvent de nous qu’on trouve la maison de rêve, celle qui serait parfaite non pas pour nous, mais pour une famille, pour des enfants. Une maison qui rendra nos ami.es envieux.ses .
Pour ma part, j’ai trouvé un petit nid qui me ressemble à moi, et à moi seule. Un petit appartement qui ressemble à mon idée de la liberté. Dans cet endroit, j’ai accepté de ne pas être parfaite, mais d’aimer mon imperfection en tentant d’être complètement moi-même.
Se chercher en vain dans cette vie dictée n’est plus une option. Cette quête-là ne correspond pas à MA version de la vie. Ma vie future rêvée, elle est déjà ici, parsemée dans tous les recoins d’une journée. En lisant au lit jusqu’à 11h avec un délicieux café. En commençant une journée sans savoir comment je vais la remplir. En ne m’inquiétant pas du frigo vide. En me sentant libre de ne rien posséder. En cuisinant et en savourant un bon petit plat en silence. En rêvant de voyager sans limites. En regardant les films que je veux et en choisissant les moments où j’ai envie d’inviter mon amoureux. En me laissant porter par le temps qui passe et avoir le luxe d’en perdre. En vivant seulement à mon rythme.
Le revers, c’est que je me sens parfois à part au milieu de certaines conversations, que je m’inquiète de l’argent souvent et que je serai peut-être seule une fois vieille. Je me dis de temps en temps que j’aurais aimé être faite pour le chemin plus courant. Mais cette liberté d’être impulsive, imprévoyante, de mettre mon plaisir en premier, d’avoir trouvé une tranquillité d’esprit et de me sentir au calme, ça vaut bien ces petits inconforts.
Ma vie de trentenaire imparfaite, je l’aime parce que j’ai enfin décidé de me choisir, de me connaître, d’être moi-même. Se choisir, parfois, c’est prendre des sentiers plus sinueux et difficiles que plusieurs ne comprendront pas. C’est être inconfortable de se regarder en face, de ne pas définir exactement ce que l’on veut. Pourrait-on rendre ça normal de ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve? Et que tout ne soit pas verrouillé une fois les 30 ans fêtés? J’ai envie de me réinventer et de douter encore à 35 et à 50 ans. Et si je trouve ma voie à 60 ans, alors ce sera bien correct! À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination!
Finalement, je crois qu’être adulte, c’est réussir à se placer en priorité, quel que soit le chemin qui nous attire. Ma maturité à moi, c’est d’enfin assumer mes choix de vie sans cocher des cases.
Ma vie de trentenaire, elle est faite de ratés, de doutes, de questions, d’inquiétudes. Mais cette vie-là, je ne la changerais pas.
Par Alice Thirion
Source : Unsplash