L’été c’est l’fun, surtout quand ça va bien. Quand tes projets vont bien, quand ta job est agréable et enrichissante, quand t’es en couple et heureuse de l’être, en fréquentation tannante-cute, en liberté épanouissante ou en célibat assumé.
L’été c’est l’fun, surtout quand ça va bien.
Alors qu’est-ce qu’on fait de toutes ces fois où on aurait envie qu’il pleuve à grosses gouttes contre notre fenêtre, mais qu’il fait un beau gros soleil con?
J’ai souvent été déprimée l’été, souvent eu l’amour de travers, les yeux en couteau, l’oreiller taché de larmes de mascara pas assez waterproof. J’ai souvent haï la chaleur, pis le beau temps, pis les enfants qui jouent, heureux, dans les parcs, pis les couples qui sont en couple pis qui promènent leur chien en attendant de se décider à faire des enfants qui joueront heureux dans les parcs. J’ai souvent haï l’été parce que l’été m’a jamais laissée être triste (pas comme l’automne).
L’été c’est comme ta bonne amie en couple depuis le secondaire qui vient de finir son bac en droit (alors que son chum poursuit sa maîtrise en ingénierie aéronautique nucléo-spatiale) qui te prend dans ses bras, la compassion au bord des lèvres, en te flattant le dos de « ça va bien aller » et de « tu vas voir, les choses finissent toujours par se placer ».
Eh bien excuse-moi, mais c’est pas tout le monde qui a un condo, des REER, pis un couple stable avec des projets de voyage en Islande pis de bébé « quand on aura acheté la maison » à 24 ans, alors j’ai le droit de chialer, pis d’être triste, pis de pas toujours y croire, pis d’avoir envie de pleurer sur « on va s’aimer encore » de Vincent Vallières quand je l’entends à la radio dans mon char, j’ai le droit de t’envier un peu pis d’être contente pour toi, mais de ne pas aller bien quand même, même si tu me flattes le dos, pis même si toi tu vas bien.
C’est ça. L’été, c’est exactement cette amie-là.
Celle qui va bien, celle que tout le monde aime, celle qui goûte le Mr Freeze pis les taches de rousseur, celle qui concrétise ses projets, celle sous une bonne étoile tout le temps pis que ça gosse même si on l’aime donc, ben oui, ben oui.
L’été c’est cette amie qui ouvre les rideaux pour laisser entrer la lumière dans une annonce de Advil, avant que t’aies pris les fameux Advil, pis que t’as juste une immense migraine et que t’as l’impression que chaque seconde au soleil tue tranquillement chaque parcelle de ton intellect. L’été c’est l’amie avec trop de bonne foi pis le pire des timings.
J’ai eu le cœur à l’envers récemment. Le cœur gros, le cœur qui étouffe dans la gorge, le cœur qui serre le ventre, le cœur qui donne mal au cœur. Et j’ai eu l’impression que j’avais pas le droit, parce que les enfants dans la cour d’école en face de chez moi riaient à pleins poumons, parce que le soleil chatouillait mes rideaux. Je me sentais comme si j’avais pas le droit d’être triste parce qu’il faisait trop beau, comme si dame nature me disait « hey ma fille, j’ai toute fait faner ça, pis après j’ai toute mis ça sur pause, pis après j’ai toute remis ça beau pis shinny pour que tu puisses en profiter avec tes p’tits amis, une bouteille de cidre, pis un sac de Cheetos à la main, sur une couverte dans le parc près de chez vous, pis tu me remercies en écoutant « Songs to cry to » sur Spotify, les rideaux fermés, les cheveux pis la peau sales, en boule sur ton lit dans tes vêtements de la veille?! Come on darling, rise and shine! Toi avec, renais, bout d’viarge! »
Alors, cher Été, je te dis: calme tes nerfs. Oui, tu fais du bien, oui, tu encourages le renouveau, les imprévus, les rencontres, les nouvelles jobs, les nouveaux collègues-clin-d’œil-sur-le-bord-de-la-caisse. Oui, tu arrives, et ça fait du bien. Oui, t’es populaire et les gens t’aiment, bravo, bravo, super cool. Alors maintenant qu’on a établi ça, je crois qu’on pourrait tous s’entendre pour dire que t’as pas besoin d’entraîner tout le monde dans ta gang si t’es si cool que ça, non? Pis après tout, c’est pas les relations qui se donnent le plus de libertés qui sont les plus tenaces? Alors Été, libère-moi de toi, ou libère-toi de moi, ou en tout cas : fais tes affaires et je vais faire les miennes!
Et je vais venir rire dans tes parcs, le ventre plein de bière aux framboises et les doigts sel et vinaigre, et je vais mettre mon maillot sur le bord de tes piscines, et je vais me servir de ta confiance en toi pour avoir confiance en moi en petite robe d’été pas de brassière, et je vais peut-être aller mieux, tranquillement. Mais donnes moi du temps ok?
Je sais que j’ai eu l’automne, pis l’hiver, pis le printemps pour aller mieux, pour aller bien, mais je suis pas encore tout à fait complètement estivale dans l’âme, tu comprends?
J’ai encore besoin qu’il fasse gris de temps en temps, encore besoin de pas sourire aux inconnus en allant à l’épicerie, encore besoin de fixer le plafond les yeux dans l’eau. Des fois, pas tout le temps, mais des fois.
Au final, l’été c’est un ami gossant, mais c’est un ami pareil. Pis c’est vrai que tous les jours sont différents l’été, pis que ça, ça veut dire que même quand tu penses que c’est la fin du monde, pis que t’es la pire personne de l’univers qui réussira jamais rien de rien, ben attends donc à demain, pis après-demain, avant de tirer des conclusions sur ta personne. C’est con, mais c’est surprenant aussi l’été.
Après la pluie vient le beau temps, pis ça marche pour le cœur aussi ce dicton-là, parole d’amie (qui n’a pas de condo, ni de chien pis qui braille pas mal souvent la face dans l’oreiller, mais qui vient de trouver 40 $ sur le trottoir et qui a dit « allô » au caissier cute du Maxi tantôt).