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Ma rentrée en tant que nouvelle prof

Avant toute chose, je tiens à préciser que ce texte a été écrit sur un ton humoristique, mais que l’éducation, ça reste du sérieux. Ma profession, je l’aime d’amour. Jamais je ne la dénigrerai ou ne me plaindrai. J’aimerais seulement que tu prennes conscience, cher lecteur/lectrice, de la réalité des nouveaux enseignants en début d’année.

Y’est 23h. J’vis dans le déni. On est mardi, c’est la veille de ma rentrée scolaire pis j’suis pas prête. Surfant sur les derniers milles de mes réserves de vin, j’dois me rendre à l’évidence que dans pas long, il va falloir que je me remette à porter des pants. J’me croise les doigts pour que mon p’tit tan de l’été soit suffisant pour cacher les cernes qui vont m’apparaître sous les yeux dans les prochaines semaines. Je réalise que dans quelques jours, j’pourrai pus aller faire pipi quand j’veux durant la journée, pis que c’est possible que je crève de faim rendu à 15h. Fait que c’est ça… J’suis prof.

J’angoisse un peu. Vois-tu, je suis encore une enseignante à statut précaire. J’ai reçu un appel il y a cinq jours, comme tous mes collègues à statut précaire, pour me faire indiquer l’endroit où j’allais travailler, ainsi qu’un semblant de ce que j’allais enseigner. Tu penses que j’ai fait quoi, la fin de semaine passée? Rien. Absolument rien. J’te l’ai dit que je vivais dans le déni. J’ai bu du vin, j’me suis fait une sushi-date avec ma chum de fille, j’suis allée magasiner en prétextant que c’était pour la rentrée. Bref, tout sauf préparer mes trucs, contrairement à beaucoup d’autres enseignants plus organisés que moi. Qu’est-ce que tu veux, on n’a pas tous le même degré de motivation! Au moins, j’me compte chanceuse parce que de un, j’ai un emploi et de deux, je connais l’ampleur de ma tâche. Pour d’autres de mes comparses, c’est une autre affaire. Certains se retrouvent à enseigner sur quatre niveaux différents, deux plages horaires qui fittent pas super pis deux matières, incluant une qu’ils n’ont jamais enseignée, l’éthique et la culture religieuse. J’ai une amie qui enseigne sa matière à un groupe seulement, mais avec, en plus, quatre cours optionnels et un groupe d’anglais random. Elle a étudié pour être prof de français. Mais c’est ça, être un.e prof en début de carrière. Tu te croises les doigts pour recevoir le fameux appel et tu ne dis surtout pas non.

Pis là, après ça, tu rencontres des gens qui ont des questions comme : « Ouain, mais vous autres les profs, vous faites quoi durant les journées pédagogiques, ça doit être tranquille? »,  à qui tu as juste envie de répliquer : « Bah t’sais, y’en a qui s’en vont jouer au bowling dans le gym, d’autres qui vont se faire un après-midi ciné dans l’auditorium, mais moi, c’que j’aime, c’est me faire une p’tite manucure à la salle des profs! LOL ». Comprends mon sarcasme ici, ok? Parce que crois-moi que les journées pédagogiques, y’en a pas beaucoup par rapport à ce que tu dois accomplir pour le simple bon fonctionnement de ta classe. À travers les réunions, il faut que tu prépares tes cours, que tu envoies tes photocopies, que tu fasses le suivi aux parents, que tu assistes à des formations pour continuer à t’améliorer en tant qu’enseignant, mais aussi pour pallier la réalité des classes d’aujourd’hui. Pis des fois, la réalité c’est que t’as pas le temps de tout accomplir durant ces journées-là, surtout quand ça fait cinq ans que tu n’enseignes jamais au même niveau (trust me, j’ai fait de la 1e année du primaire au secondaire cinq, I know the struggle).

Donc là, j’t’explique ce qui s’en vient dans les quatre prochaines journées pédagogiques. Premièrement, on va avoir une grosse réunion d’école, durant laquelle ils vont donner des infos importantes sur le fonctionnement de l’établissement. Pis toi, comme t’es un.e nouvel.le employé.e, t’as pas le choix d’y aller. Après ça, il y aura les formations suivantes : celle pour entrer les absences, celle pour scanner des livres, celle pour présenter le code de vie aux nouveaux enseignants, celle pour expliquer les rôles lors des journées d’accueil des élèves, celle pour gérer les allergies et celle pour exposer les mesures d’urgence de l’école. Ça finit pus, mais c’est nécessaire. Sauf qu’à travers ça, tu cours comme une poule pas de tête, en essayant de démêler à quelle réunion tu es supposé.e être, tout en collant trois millions de post-it sur ton bureau pour ne pas oublier de faire telle ou telle affaire.

Après ça, tu reçois ton code pour accéder à tes listes d’élèves. Tu prépares tes plans de classes, tes listes de notes, tu collectes des données sur les besoins de certains élèves en particulier pis d’autres patentes comme ça qui vont te servir toute l’année, mais qui te prennent trois heures à organiser. Le p’tit bémol ici, c’est qu’à l’université, ils ne t’enseignent pas tout ça, toute la paperasse pis la bureaucratie que ça implique, ta job. En tout cas, pas concrètement. Fait que quand c’est ta première rentrée scolaire, t’es pas certain.e de comprendre c’est quoi un plan d’intervention ou bien ça veut dire quoi une convention de gestion.

À un moment donné, tu vas recevoir ton horaire. Mais faut pas que t’oublies également de noter à ton agenda les 27 dates de réunion qu’on t’a données dans les 3 documents différents de début d’année.

Ah, pis il faut aussi que tu penses à aller voir ta bibliothécaire pour commander ton matériel, sinon tes élèves n’auront pas de cahier d’activité, ce qui serait fort regrettable, parce qu’en tant que nouveau prof, toutes les ressources sont nécessaires pour survivre à ton année scolaire. D’ailleurs, faudrait ben vite que tu penses à envoyer tes photocopies, sinon t’auras rien pour enseigner. Tu te dis qu’une chance que tout l’monde est ben smat pis patient, parce que toi, t’y vois pu clair. En tous cas, pendant ces journées-là, tu fais de ton mieux pour avoir l’air à ton affaire, mais t’as le cerveau qui bouille, comme s’il y avait 20 onglets ouverts en même temps dans ton cerveau.

Si t’as de la chance pis du temps, tu planifies tes cours, ou du moins, ton premier cours. T’essaies de faire une belle planification à long terme, mais comme t’as jamais enseigné à ce niveau, c’est pas facile de se faire une idée. Tu parles à d’autres profs, plus expérimentés. Eux, ça leur fait toujours plaisir d’aider. Tu prends encore et encore de l’info. J’te l’dis, ton cerveau en peut juste pus. C’est fou, l’espace de stockage qu’il y a là-dedans, pareil!

Tout ça, tout ce qu’on fait durant les journées pédagogiques, on le fait pour s’assurer que nos élèves soient bien accueillis. Pour qu’ils reçoivent l’enseignement qu’ils méritent. Pour qu’ils se sentent bien et en confiance avec nous. Pour être honnête, je ressens toujours une certaine fébrilité à la veille de l’arrivée des jeunes. On ressent une espèce d’énergie de renouveau quand ils entrent dans l’école. Comme si tous les vieux conflits, les vieilles querelles, les p’tits reproches s’étaient effacés durant l’été. J’ai hâte de les rencontrer, mes jeunes.

P’tit update : c’est vendredi soir, ou comme j’aime l’appeler, c’est VINdredi (je sais, c’est cliché). J’ai accompli plein de choses en trois jours, mais j’ai l’impression d’avoir rien fait à la fois. J’ai trop de pages qui pop random dans ma tête, pour me dire : « Hey, oublie pas ça! Pis ça! Ah, pis aussi ça! » J’ai même pas encore commencé à planifier ce que j’allais enseigner. Ça ira à lundi… si j’ai le temps. Just kidding! Au pire, j’dormirai pas lundi soir.

Parce qu’au fond, enseigner, c’est plus qu’une job, c’est une vocation. Pis c’est celle que j’ai choisie et je suis pas mal fière de ce que j’accomplis avec tous ces jeunes-là.

Bonne année scolaire! ?

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