Dernièrement, un ami me racontait une histoire bien tranquillement dans un char :
« Faque là, la gardienne noire que le couple blanc a engagée… »
Je lui coupe la parole.
« Attends, quoi? Pourquoi tu te sens obligé de spécifier la couleur de leur peau? Ça change quoi que l’employée soit noire et que les patrons soient blancs? »
« OK, mais on s’en fout, je continue mon histoire… »
Non. La vérité c’est qu’on ne s’en fout pas. Ce n’est pas parce que ton interlocuteur/interlocutrice n’est pas personnellement attaqué(e) par tes propos que cela te donne le droit de discriminer quelqu’un. Je ne pourrai jamais vous dire ce qui est arrivé avec cette gardienne, car je n’écoutais plus; j’étais juste sidérée.
Et malheureusement, ça arrive beaucoup trop souvent, sans qu’on s’en rende compte. C’est commencer sa phrase par « Je suis pas raciste, mais… », c’est dire que les parents d’un garçon homosexuel seront déçus de lui, c’est me demander pourquoi se serait à moi de payer parce que je suis la fille et que ma date est un gars, c’est assumer qu’un(e) mauvais(e) conducteur(trice) est d’une autre nationalité « parce qu’on sait bien que dans les autres pays, ils conduisent n’importe comment! ». Tsé, Jean-Philippe, Haïtien de 23 ans, a passé son permis de conduire à Joliette, comme toi, cher/chère!
On est chanceux de vivre aujourd’hui dans un monde beaucoup plus ouvert d’esprit qu’au siècle dernier. « Saviez-vous que le petit dernier des Tremblay a fait un coming out non binaire au magasin général la semaine passée? Je vous jure, j’ai failli tomber en bas de ma calèche, m’sieur le curé! » Clairement, ça prend juste un épisode des Belles Histoires des pays d’en haut pour comprendre que les termes « coming-out non binaire » n’existaient même pas.
Quand les gens ont commencé à s’affirmer, un peu après les années de Séraphin Poudrier, la discrimination a par le fait même vu le jour. Et ça, c’est triste. Des attaques, des mots qui blessent, probablement issus de la peur de l’inconnu et des réalités auxquelles nous ne sommes pas confrontés.
Mais aujourd’hui, même si le problème est encore malheureusement (trop!) présent, j’ose dire que je remarque bien plus souvent de la stigmatisation cachée que des attaques publiques. Des mots qui blessent, même s’ils naissent de maladresse et d’incompréhension. Un de mes meilleurs amis étant pansexuel, il m’a déjà raconté se faire dire, souvent, qu’il « n’était pas assez efféminé pour être gai » ou « trop gros pour être gai ». D’où vient un tel commentaire? Premièrement, il y a un clairement un manque d’information quant à la définition de sa sexualité, et deuxièmement, est-ce que ça se voulait un compliment? « T’en fais pas, comme on sait qu’avoir une orientation sexuelle différente est tellement gênant, on fait juste te rassurer en te disant que tu n’as pas l’air d’appartenir à cette communauté. » Il ne s’est peut-être pas fait traiter de tapette, mais est-ce vraiment moins blessant? Et s’il était fier d’être qui il est? Bien dans sa peau et heureux?
Quand tu essayes de te lever pour une cause qui n’est pas la tienne, tu ne te fais pas souvent prendre au sérieux. Je n’ai pas de surplus de poids, je n’ai pas le droit de prôner le body positivity. Je suis blanche et hétérosexuelle, je n’ai donc pas mon mot à dire sur les commentaires racistes que j’entends sur la route ou les « c’est clairement lui la princesse dans le couple ». Let me tell you something: it’s bullshit. Fille/gars, t’as en masse le droit de te prononcer et de dire que c’était déplacé, que ça te touche personnellement ou non. Parce que souviens-toi que si cette personne se permet de dire ces absurdités devant toi, elle va clairement regarder quelqu’un d’autre de travers ou passer un commentaire blessant caché.
La prochaine fois que tu vas te faire dire « Bon, regarde-la/le qui veut changer le monde, à défendre la Terre entière… », tu pourras répondre que oui, pour tous ceux et celles qui en ont besoin, tu changeras le monde, une réplique à la fois.
Photo : Jon Tyson
Source : Unsplash