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La fameuse stabilité

Source: Artem Beliaikin on Unsplash

Dernièrement, au cœur d’une conversation, une amie m’a dit que je vivais une période assez instable de ma vie. Son commentaire m’a fait hésiter et réfléchir. C’est sûr que j’ai déménagé récemment à la suite d’une rupture et que les derniers mois ont été chargés en changements et en émotions. C’est sûr aussi que je vais avoir 30 ans, que je fais des études supérieures, que je vis en colocation, que je travaille à contrat, que je vois une nouvelle personne depuis peu et que je n’ai ni le projet d’acheter un condo, ni celui d’avoir un bébé. Mais suis-je vraiment instable pour autant? Si oui, est-ce que cette instabilité est nécessairement négative? Pourquoi est-ce que moi, au contraire, je n’ai pas du tout l’impression d’être instable?

C’est vrai qu’on accorde beaucoup d’importance à la stabilité dans notre société. Et on en a une vision vraiment restreinte, je trouve. Est-ce qu’être stable, c’est nécessairement avoir un travail à temps plein, une relation sérieuse, une maison avec des paiements d’hypothèque réguliers et ne jamais perdre le contrôle de ses émotions? Est-ce que le fait de ne pas avoir ces éléments supposément emblématiques de stabilité dans notre vie la rend nécessairement instable? Ne puis-je pas être « stable » malgré ma situation d’étudiante sans enfants et malgré mes nombreux projets, mon désir d’aventure et mes montagnes russes émotionnelles? Je développe en ce moment une relation amoureuse qui a l’air de devenir sérieuse, mais ne pourrais-je pas être « stable », disons, en choisissant d’avoir des relations sans engagement? Pourquoi la définition de la stabilité est-elle tellement stricte?

Admettons-le : comme j’ai presque 30 ans, la société associe mon mode de vie à celui de l’instabilité. Mais alors, est-ce si mal d’être instable? J’ai l’impression que l’instabilité est mal vue, qu’elle est considérée comme une situation temporaire que l’on doit absolument corriger. Ne peut-on pas rechercher, même cultiver l’instabilité?

Comme je le disais, je ne me sens pas tellement dans une situation d’instabilité. Avec ma rupture derrière moi, je sens que je suis actuellement dans une vie qui me convient. C’est la rentrée et je reprends les études et le travail, je débute une nouvelle relation… Oui, il y a eu beaucoup de changements dans les derniers mois. Je vis aussi beaucoup d’émotions – de la joie, de la tristesse, du stress – et je suis dans une période de questionnement, de réflexion. Mais c’est normal, non? La vie n’est pas seulement une suite de journées qui se ressemblent. Et je ne me sens pas instable pour autant! Au contraire! Je sens que je vis une vie saine et équilibrée, que je me réalise dans mon travail et mes études et que je fais des choix qui me conviennent. Je sens que mon rythme de vie m’amène du challenge et du bonheur tous les jours, et que je me trouve exactement à l’endroit où je souhaite être.

Oui, on peut dire que je vis une période « instable ». Mais ça fait partie de la vie que je souhaite vivre.

Je pense qu’il faudrait réfléchir à la vision collective que nous avons de la stabilité. Il faudrait plutôt reconnaître qu’il y a une variété d’existences possibles, stables ou pas, qui conviennent à différents types de personnes, et qu’il n’est pas nécessaire d’absolument les séparer en grandes catégories rigides.

(Et aussi, je pense qu’il faut reconnaître que certaines personnes vivent RÉELLEMENT des vies extrêmement instables qui ne sont absolument pas faciles à côté de la mienne. Maladie, familles dysfonctionnelles, troubles mentaux, violence… Mon instabilité est douce par rapport à la leur, non?)

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