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Et toi, parles-tu de l'avortement?

Source : Unsplash

Je suis tombée enceinte sous pilule contraceptive. En l’ayant prise parfaitement, à la lettre. Je suis le 0,01% de risque de grossesse malgré la prise de contraceptifs. J’aurais préféré être ce petit pourcentage de chance au Lotto Max…

Avant même de faire 4 tests d’un seul coup, en pleine panique, je sentais en moi depuis quelques semaines quelque chose d’anormal, de lourd, d’envahissant. Les quelques semaines de grossesse que j’ai vécues ont été pénibles et jamais je n’ai senti une évidence ou un lien avec ce qui se passait dans mon corps. J’étais dissociée de cette chose qui avait fait sa place en moi, sans que j’aie un mot à dire.

J’ai donc eu un rendez-vous dans une clinique spécialisée en santé des femmes, avec un personnel exclusivement féminin. Ce fut simple et je me suis sentie bien prise en charge. Pas une seconde je n’ai senti un jugement et on ne m’a pas demandé si j’étais sûre de mon choix. L’équipe était extrêmement bienveillante et à l’écoute. Et tout s’est déroulé sans stress et sans culpabilité.

Ce n’était pas un projet pour moi, que ce soit à ce moment-là ou à un autre moment de ma vie. J’étais sûre de moi. Mon copain, avec qui j’étais depuis peu, était du même avis et n’a pas contesté mon choix. Je crois très fort que même si notre partenaire hésite, seul le choix de notre propre corps compte. C’est en nous. C’est nous, les femmes, qui détenons cet enjeu et c’est nous qui devrons vivre avec la décision, quelle qu’elle soit, et avec les conséquences de celle-ci.

J’avais envie de te raconter mon ressenti, très simplement, car je pense que l’avortement n’a pas besoin d’être quelque chose de traumatisant. Oui, c’est difficile et ce n’est pas un acte anodin, comme tout autre acte médical d’ailleurs. Par contre, je crois que si c’est notre choix, on ne devrait pas ressentir de culpabilité, on ne devrait jamais se sentir jugée et on ne devrait surtout pas garder cela secret et avoir peur d’en parler.

Chaque fille qui l’a vécu devrait le raconter à d’autres, autant de fois qu’il le faut pour que l’avortement soit aussi normal que le fait de parler de notre dernière visite chez le dentiste. Je n’ai jamais eu honte d’avoir interrompu ma grossesse, mais je me suis sentie seule au monde.

En parler autour de soi, ça peut révéler les points de vue des autres. Ces gens qui sont pour, sur papier, mais qui ne savent pas cacher leur malaise face à ce sujet. Pour changer ça aussi, j’ai envie d’en parler.

Je vois cette expérience comme positive, car elle me fait également réaliser ma chance. Parce que d’autres ont osé en parler encore et encore, j’ai eu la chance de naître et de vivre dans un pays, le tout à une époque où j’ai pu avoir le choix. Celui d’être mère ou pas. La chance de ne pas avoir été insultée devant la clinique en allant avorter, de ne pas avoir été reniée par ma famille ou mon mari, de ne pas avoir été emprisonnée, battue ou d’avoir risqué la mort pour avoir contrôler moi-même mon destin de femme.

Cela me fait grandement réfléchir à mon privilège, mais aussi aux droits si fragiles des femmes du monde entier et même d’ici, car ce qui est acquis pourrait ne plus l’être demain. 

Dans le livre La Cause des femmes, paru en 1973, Gisèle Halimi dit : « Nous ne voulons pas avorter en passant à travers les mailles du filet législatif et devant des psychiatres et des juges. Nous voulons avoir le droit de le faire lorsque nous l’avons décidé, sans culpabilité, sans peur, sans honte, sans complexe. Comme des femmes libres et responsables qui décident d’elles-mêmes.» Toujours d’actualité, non? Ce droit est fragile. Parlons-en pour que ce soit normal. Le droit va de soi, quand la société considère ça normal.

Ma fibre féministe se développe et je réalise que mon avortement m’a apporté, au-delà de réponses personnelles, une encore plus grande sensibilité aux conditions que vivent les femmes. Il m’a apporté une réflexion que je n’aurai peut-être pas eue en temps normal. Mon avortement a aiguisé plus encore ma curiosité à comprendre pourquoi ce sujet est encore difficile à aborder en 2020. 

Je pense qu’il faut toutes que nous parlions, encore et encore, de nos réalités de femmes quelles qu’elles soient, que ça nous concerne ou pas : avortement, accouchement, infertilité, contraception, fausse couche, sexualité, relations de couple, désir ou non-désir d’enfant, menstruations et ce, même si ces expériences sont moins admissibles ou convenables aux yeux de la société et qu’elles débordent un peu du moule. 

Parle, sans arrêt, pour redéfinir ce qu’est la normalité, une réalité moins lisse, et qui sera faite de nous toutes.

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