Du haut de mes 24 ans, je dis souvent à la blague que j’ai l’impression d’avoir vécu quelques vies différentes. Parce que j’ai cherché ma place dans la société et je me suis baladée à travers différents milieux. Et aujourd’hui, j’ai envie de raconter celle où j’ai fondé et géré un refuge. C’est une histoire que plusieurs auront entendue du point de vue des expériences et rencontres extraordinaires, de mon dévouement insensé, mais aussi de ma fierté d’avoir réussi. Mais ces derniers temps, des histoires refont surface et j’ai envie de parler d’un autre côté.
J’ai un visage peu expressif, mais c’est en discutant avec d’autres passionnées du sujet que des étoiles brillaient dans mes yeux. J’étais jeune, naïve et je voulais sauver le monde (pas que je ne veux plus, mais j’ai aujourd’hui une vision moins utopique). J’ai toujours eu et j’ai encore un problème à vouloir trop aider, que ce soit la société, la planète ou encore les gens. J’ai l’impression de ne pas avoir de valeur si je ne contribue pas d’une manière ou d’une autre à quelque chose de bien. Dans le milieu où j’étais, c’était fréquent. Un milieu où on veut aider, où on n’a pas eu la vie la plus facile. Un buffet ouvert pour n’importe qui voulant profiter de ces âmes qui ne se sentent jamais assez. Et c’est ce qui est arrivé. L’affaire, c’est que je me disais que j’étais plus intelligente que ça; que je n’étais pas une personne facile à manipuler ! Et c’est vrai, malgré ma naïveté, parfois impressionnante, je suis une personne EXTRÊMEMENT méfiante… mais comment je pourrais douter de quelqu’un qui, comme moi, veut juste aider?
Ce qui m’a attirée, c’était de me sentir utile et comprise, et c’est l’empathie qui m’a emprisonnée. Une fois bien pognée, même s’il y avait des red flags, des histoires floues, des incompréhensions… comment quelqu’un pourrait mentir à une personne qui est toujours présente, qui est prête à tout pour aider en la regardant droit dans les yeux. C’était trois ans d’anxiété, d’abus de confiance et d’énergie et de mensonges. C’était trois ans où j’ai cru à des histoires impossibles, parce que je faisais confiance à celui qui me les racontait. C’était trois ans à donner toute mon énergie à quelqu’un qui la grugeait au complet pis pour qui ce n’était jamais assez.
Et c’est avec le recul que je peux cibler exactement comment tout ça s’est passé. En premier, il est présent dans un milieu où les gens sont fragiles. Il attire ces gens en leur faisant croire qu’on se ressemble et qu’on se comprend. Ensuite, il attire avec l’empathie : « je viens de me faire laisser », « je viens de perdre mon travail », « je suis malade », et nous, on veut aider. Ensuite, il nous garde en exploitant nos faiblesses en se présentant comme un sauveur. « Une chance qu’il est là! » On présente l’entourage, mais étant maitre du mensonge, on s’arrange pour que tout le monde se déteste. « X me traite comme de la marde », « Y me veut juste pour mon fame », tout en expliquant qu’il continue de les côtoyer par empathie. On devient tellement attachée qu’on finit par faire des choses dont on ne voudrait pas, parce qu’on aime la cause, parce qu’il a moins d’argent que moi, parce que ça ne durera pas longtemps, anyway.
Un jour, le cercle s’est agrandi. Des personnes de confiance. On s’est rapproché, on s’est parlé, on s’est apprécié. Pis c’est à ce moment que tranquillement, le bateau sur lequel on était a commencé à se fissurer. Pas juste parce qu’on était plus, mais parce que les mensonges commençaient à manquer de cohérence. On se posait des questions, mais on n’était plus seul à se les poser, pis un moment donné, tout a éclaté. Réaliser dans quelle histoire de fou on était a été long, pas parce que les histoires qu’on avait gobées étaient cohérentes, mais parce que la confiance avait été bâtie sur nos insécurités, et réaliser à quel point on avait été berné était dur à accepter. Finalement, un par un, on s’est apporté des preuves pour en convaincre un autre qu’on s’était fait avoir. Et pour finaliser cette histoire, j’ai décidé de me retirer totalement de ce monde. Je pensais que j’allais passer à autre chose, mais je voyais la chose du mauvais angle. Pour la même raison que j’ai essayé plusieurs fois d’écrire cet article, mais je n’abordais pas l’histoire de la bonne manière… et j’ai compris; ce n’est pas à lui que j’en voulais vraiment, c’était à moi de m’être fait berner, manipuler et d’avoir cru… et j’ai compris et c’est à toi de l’entendre maintenant :
Ce n’est pas de ta faute.
…et je te rappelle :
Ce n’est pas de ta faute,
et le karma finira bien par faire son travail.
Je ne suis pas la personne qui a été la plus touchée dans cette histoire, il y en a qui ont eu des abus émotionnels graves, des abus sexuels, monétaires… si tu te sens interpellée spécifiquement par cette histoire, n’hésitent pas à venir m’écrire, sinon il y a une multitude d’aides externes :
Ressources au Canada et au Québec.
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