J’avais 13 ans, presque 14, quand on m’a annoncé que j’étais atteinte de cette maladie où le H ne sait jamais où se mettre.
Comment déjà? Pouvez-vous me l’épeler?
C.R.O.H.N
La maladie de Crohn, soit une inflammation chronique des intestins causée par une défaillance du système immunitaire. Mes propres cellules sont considérées comme étrangères, mon corps s’attaque lui-même. BIZARRE.
Ce qui a été le plus difficile, c’est lorsqu’on m’a annoncé que cette maladie était chronique, c’est-à-dire qu’il n’y a aucun traitement curatif possible. On m’a expliqué que je devais apprendre à vivre avec elle toute ma vie. Pour une ado de 13 ans, c’est énorme et ça m’a pris beaucoup d’années l’accepter, et ce, pour différentes raisons.
J’avais envie aujourd’hui de vous donner des exemples concrets des combats quotidiens qu’une personne prise avec une maladie chronique peut vivre, que ce soit la maladie de Crohn, une colite ulcéreuse, le lupus, la sclérose en plaques, le diabète, l’arthrite rhumatoïde, l’asthme, le parkinson, etc.
Nous devons composer avec des douleurs ou des malaises qui se mêlent à nos trains de vie. Parfois, c’est insupportable, mais nous sommes tellement habitué.es d’en ressentir que nous avons une capacité impressionnante à les tolérer. D’autres fois, les douleurs sont tellement fortes que plus rien mis à part le soulagement ne nous intéresse. La vie semble très difficile durant ces moments-là, mais le plus admirable, c’est que nous finissons toujours par les surmonter.
Puisque la douleur fait partie intégrante de notre vie et qu’une maladie chronique diminue considérablement notre système immunitaire, la fatigue est souvent présente. J’ai dû faire le deuil de plusieurs projets ou opportunités par manque d’énergie car, malheureusement, nous n’avons pas la même qu’une personne sans soucis de santé. Pour vous donner un exemple personnel : ça m’a pris plusieurs années avant de comprendre que travailler à temps plein est quelque chose d’impossible pour moi.
Douleurs et fatigue riment avec le fait de devoir s’absenter régulièrement et souvent. Plus jeune, je me rappelle avoir raté des sessions complètes au secondaire. C’est quelque chose que je redoute particulièrement, car j’ai toujours l’impression que cela m’enlève de la crédibilité et de la fiabilité aux yeux de mon employeur. Pourtant, c’est loin d’être le cas. Avec les années, de la maturité et beaucoup plus de douceur envers moi-même, j’ai appris que de choisir mon repos et ma convalescence est toujours plus payant au bout du compte que de me présenter au travail ou à une soirée entre amis quand mon corps me demande de prendre soin de lui.
Vivre avec une maladie chronique exige parfois de renoncer à certaines opportunités qui se présentent dans nos vies. C’est difficile au travers de l’injustice que ça nous fait vivre, mais on n’oublie jamais pourquoi on décide de tasser quelques rêves. Quand on n’a pas la santé, rien n’est possible. Et si quelque chose peut risquer de la compromettre, on se ramène assez vite en pensant à nos pires crises de maladie. L’important, c’est d’être bien même si c’est parfois monotone.
Avoir une bonne hygiène de vie, soit 8 heures de sommeil par nuit, faire de l’activité physique et bien s’alimenter est conseillé à tout le monde désirant être en bonne santé, mais c’est pratiquement obligatoire pour toute personne atteinte d’une maladie chronique. Par contre, ce régime de vie doit être adapté au problème de santé. Même si les légumes et la salade sont dits bons pour la santé, dans mon cas, c’est différent, car s’ils ne sont pas cuits je vais en souffrir avec des crampes atroces au ventre.
Si je prends exemple des personnes diabétiques, elles se doivent d’être assidues dans leurs heures de repas, dans le choix de leurs aliments ainsi qu’en matière d’activité physique, sinon leur corps manifestera un résultat anormal de glycémie.
Le régime et la routine sont essentiels, car même si nous faisons juste un petit peu d’excès, par exemple moins bien manger pendant un moment ou fêter plus tard avec des amis, nous en paierons doublement le prix et le regretterons assez rapidement.
Être rigide dans notre mode de vie est la base mais, même avec tous ces efforts, il y a quand même des symptômes inconfortables qui se présentent. C’est décourageant.
Trop souvent, nous sommes perçus comme des paresseux, des personnes plus faibles sans motivation. Pourtant, c’est tout le contraire et nous perdons malheureusement trop d’énergie et de temps pour se reposer à force d’essayer de prouver que c’est faux. Nous avons le droit de nous arrêter quand notre corps dit STOP. Nous avons également le droit de vouloir travailler même si c’est moins d’heures par semaine, malgré notre condition. Un de mes anciens employeurs m’a déjà dit lorsque je lui exprimais ma fatigue du dernier mois : « Mais pourtant, tu travailles seulement 4 jours par semaine. » Mon premier réflexe a été de me taper sur la tête, mais après quelques secondes, je lui ai répondu : « En travaillant 4 jours par semaine, je considère que je donne tout ce que je suis capable de donner. »
Il y a aussi l’inquiétude de nos proches, les rechutes, le refus des assurances de nous couvrir, etc. Je crois que la liste est longue sur les sursis quotidiens qu’implique le fait de vivre avec une maladie chronique. Je veux vous dire sincèrement qu’à mes yeux, vous êtes des battants hors pair, dotés d’une compréhension différente de la vie.
Oui, nous souffrons physiquement et psychologiquement très souvent en lien avec cela, mais une chose est certaine, c’est qu’aujourd’hui, je ne m’identifie plus à cette maladie. Une personne sage m’a donné un conseil simple qui change pourtant grandement la vision des maladies qui peuvent nous affecter : au lieu de dire que « j’ai la maladie de Crohn », ce qui lui donne du pouvoir, je mentionne plutôt que « je suis atteinte de la maladie de Crohn ». Ça permet de mettre de la distance. Essaye cet exercice, pour voir. ?
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