Il y a des hommes pour qui une seule goutte de sang dans les draps est dégueulasse, une saleté innommable, une trahison. Ces hommes ont peur des erreurs de calcul, de perdre le contrôle sur le corps des femmes, d’être souillés dans leur virilité, ou pire encore, d’être un jour père par accident. Ils voudraient baiser des femmes en plastique, des Filles en série, sans prendre aucun risque, puis s’en aller on ne sait où, travailler la tête tranquille, les couilles vides de sens.
Pourtant, le sang est source de vie, de création et de beauté. Je pense aux toiles de John Anna (Womanstruation) réalisées avec du sang menstruel. Belle façon d’associer art contemporain et féminisme radical. Les couches de rouge se superposent et enfantent des personnages subversifs qui racontent la féminité d’une manière audacieuse et vivante.
Je connais des femmes qui versent leurs Diva Cup dans leurs plantes. C’est un geste écologique empreint de poésie. Ce transfert vitaminé s’opère souvent à l’insu des hommes, comme un secret passé de femme à femme, chuchoté la nuit. J’aime cette figure contemporaine de la sorcière qui dialogue avec la nature un peu en marge du patriarcat. Une prise de parole et d’indépendance foncière.
La femme qui saigne est dangereuse dans l’imaginaire patriarcal. Elle porte un regard sur le monde que l’homme ne possède pas. Un savoir basé sur l’expérience concrète de la vie, la filiation mère-fille, l’identité. Il y a aussi des hommes qui ont peur des femmes qui ne peuvent pas enfanter. Elles seraient dangereuses pour d’autres raisons : libertines, infidèles, incontrôlables. C’est comme si les femmes étaient toujours coincées entre les désirs et les attentes des hommes. Trop mères ou trop filles, mais jamais assez.
Les hommes qui ont peur des femmes ont peur d’eux-mêmes, de leur vulnérabilité, ils ont peur de perdre leurs privilèges, d’être détrônés, qu’on découvre qu’ils peuvent saigner eux aussi, qu’ils ne sont pas des statues de marbre. Les hommes devraient arrêter d’avoir peur et laisser les femmes être des femmes, tout simplement. L’art menstruel contribue à ouvrir ce dialogue.
Images : John Anna