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Quand Yvon Deschamps perd sa couleur – Par Florence

Je suis victime de ma passion pour le théâtre. Quand je parle de théâtre, les gens s’imaginent que j’ai un talent pour jouer la comédie. Je vous confirme que non. Ce que j’aime du théâtre réside dans l’écriture et la lecture des textes. Quand je termine une pièce, la satisfaction en moi est tellement grande que j’en pleure (oui, très émotive). Je lis du théâtre autant que je bois de café, et Starbucks sait que j’en bois beaucoup. J’arrive même à faire les deux en même temps, le livre de la main gauche et mon café dans la main droite. Il arrive même parfois qu’il éclabousse jusque sur mon linge quand je tente de boire en même temps que de tourner une page. Ce délicieux mélange (soit dit en passant) n’est peut-être pas l’idée la plus brillante passé 21 h. Passé 21 h, je me transforme en anxiété sur deux pieds.

Le problème, passé 21 h, c’est l’obscurité. Ça vient lentement l’obscurité, mais quand ça frappe, ça ne prend pas de gants blancs. Je me dis que si j’arrive à faire la morte allongée dans mon lit, peut-être que l’obscurité va passer sans même me frôler et aller hanter un autre individu. Mauvaise idée. Caféine à son plein, humeur changeante, rétrospection sur sa vie. Et tout commence : on se met à penser à toutes les choses à accomplir durant la semaine, on arrive même à faire une liste aussi longue que le tome IV de Harry Potter. Vient ensuite la liste intitulée : « 50 choses à faire avant mes 21 ans », suivie de l’énumération des résolutions non accomplies de 2006, pour terminer avec les remords du crayon rose volé à sa compagne de classe en 4e année.

Et c’est à ce moment précis que ma date/fréquentation/chum (je sais plus comment on appelle ça) se décide à me texter. La sonnerie, c’est comme entendre les douze coups de minuit, sauf qu’on ne porte pas de robe ni de souliers de cristal. Peu importe la nature du texto, le résultat reste le même : un désastre. Je réplique à un simple sms banal par une thèse de mille mots avec introduction, sujet amené, posé, divisé, suivi d’une conclusion avec ouverture qui met en doute l’existence humaine. Je peux partir du fait que la Terre est ronde jusqu’à m’excuser de mon incompétence à m’orienter en voiture. L’obscurité s’empare de moi. Je deviens possédée et je dérape. Entre ma conception de l’être humain, le réchauffement climatique et l’analyse de mon rêve bizarre de la nuit passée, je m’y perds.

Je crois que c’est le noir qui fait ça, le fait d’être toute seule dans mon lit n’aide pas. Mes pouces vont plus vite sur mon clavier de téléphone que jamais auparavant. J’aurais préféré qu’ils soient aussi habiles durant mes nombreux tournois de guerre des pouces, mais non c’est pendant la nuit, vers minuit, qu’ils découvrent leur rapidité. Je me lasse jamais d’écrire, même si ce que j’écris est complètement débile ou trop lourd. Je développe même de la compassion pour cette pauvre personne qui voulait juste m’envoyer un texto en toute innocence, s’attendant à une réponse encore plus innocente. Et me voilà en train de rédiger un monologue. Un vrai. Yvon Deschamps peut aller se rhabiller. Je suis victime du théâtre qui m’anime. Je deviens la plus dramatique des dramaturges, la plus intense des rédactrices de monologues nocturnes. Mon insécurité passe de 3 à 8 sur l’échelle de Richter. Je respecte même plus la règle du maximum de trois textes de suite. Le ratio envoyés et reçus débalance exagérément.

C’est après plusieurs nuits d’insomnie que j’ai réalisé que passé 21 h, le café c’est vraiment non. Le mélange théâtre et café me met à fleur de peau. À 21 h, vaut mieux cacher mon cellulaire le plus loin possible et faire la morte jusqu’à ce que Monsieur Sommeil effleure ma peau. Plus dur à dire qu’à faire. C’est sûrement pour ça que je suis célibataire, j’imagine même pas sortir avec quelqu’un qui compare l’humain au goût bizarre que les ananas laissent sur la langue.

Florence, 21 h 07.

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