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L’année passée, on m’avait parlé d’un travail d’été peu orthodoxe, possiblement payant et certainement très exigeant. Planter des arbres. Grand sportif, m’enorgueillissant d’être à mon aise dans des conditions difficiles, aimant relever des défis, j’ai tenté le coup. Il s’agit fort probablement d’une des meilleures décisions de ma vie, si bien que je réitère l’expérience cette année.
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Avertissement
Si tu n’as pas une légère tendance masochiste, je te déconseille vivement ce travail. À moins que passer ton été auprès des moustiques, de te pencher jusqu’à atteindre le sol plus de 3000 fois par jour et d’être ravagé par un inconfort constant soit pour toi naturellement attrayant, le tree planting est synonyme de souffrances. Ah, et il y a aussi le fait que les journées de travail soient de 11 heures, 4 jours sur 5, les possibilités bien réelles de tendinites (j’en ai eu une à chacun des poignets l’an passé) en raison des mouvements répétitifs, que le travail puisse s’effectuer sous la pluie, dans la boue, dans la chaleur, dans la froidure… Ah, et il y a aussi le fait de dormir pendant 3 mois dans une tente, d’être privé d’Internet et de tous les avantages de la civilisation… Les journées de planting sont véritablement exténuantes ; elles aspirent notre suc, nos forces, parfois notre bonne humeur.
Par-delà la souffrance
Heureusement, nous ne sommes pas seulement rémunérés en piqûres, en échardes, en sueurs et en saletés accumulées sur soi. Les bons planteurs réussissent à amasser de très intéressantes fortunes. Étant payé à la production, et un arbre planté valant de 12 à 18 cents, l’argent ne s’accumule pas en contemplant le ciel et la forêt. Néanmoins, les meilleurs peuvent planter plus de 4000 arbres et empocher plus de 400, 500, même 600 $ quotidiennement. En passant, ces planteurs sont bien souvent des planteuses. Les filles, avec leurs hanches, supportent mieux le poids des sacs et font souvent d’excellentes planteuses. N’écarquillez toutefois pas trop vite les yeux devant les salaires. Il faut être une machine pour espérer gagner autant. Les pires, eux, ne parviennent pas à accumuler 1000 arbres et abandonnent en raison de la disproportion entre les efforts investis et le manque de rétribution. De plus, la saison recrue est inévitablement plus difficile au niveau de la production. La première saison est un investissement pour les prochaines.
Au-delà de l’argent
Impossible de passer le test sans en revenir changé physiquement et mentalement. On se découvre des muscles dont on ne soupçonnait pas l’existence et on fond, littéralement (j’ai perdu 20 livres sans avoir nécessairement du poids à perdre). Surtout, on repousse les limites de notre résilience, on apprend à puiser dans les ressources les plus reculées de notre être, on se challenge dans le sens radical du mot. On en sort assurément plus fort, plus assuré.
Et malgré toutes les âpretés du métier, le tree planting s’apparente à un recueillement, à des vacances pour étudiants. Trois mois loin de la folie de notre monde, trois mois où le superflu de nos vies reste derrière nous, trois mois dans une province aux forêts majestueuses, trois mois sans tracas ou responsabilités. Durant l’unique pause qui sépare les contrats du printemps et ceux de l’été, j’ai eu la chance de m’évader au Yukon et en Alaska. Non mais quand même!
Mais j’ai gardé le plat de résistance pour la fin : la bouffe. Personne au monde ne peut apprécier un repas copieux comme un tree planter, surtout que ceux-ci nous attendent tout préparés par des cuisiniers à notre retour. J’y repense en écrivant et mes glandes salivaires sont en éruption. Cri… que c’est bon! (Options végé et végane disponibles)
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Finalement, impossible de ne pas faire de magnifiques rencontres. Dépouillement oblige, les autres sont notre meilleur divertissement. Il y a également une incompatibilité entre gens banals et tree planting. Seuls les bizarres survivent!
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