Vous ai-je déjà raconté la fois où, en pleine sortie scolaire sur la rue St-Hubert avec le cégep, mes ami.e.s et moi nous sommes fait sortir d’un magasin de tissus? Non?
Et pourtant, la petite insurgée que j’étais à l’époque (y’a deux ans, les bébés grandissent vite, hein?) n’avait pas hésité à le raconter à tout le monde dans l’autobus avec tout le dévouement des plus grands révolutionnaires de l’histoire.
Je dis que j’ai changé parce que je ne m’offusque plus autant qu’avant quand des péripéties comme celles-là m’arrivent, mais il reste que ça me blesse encore beaucoup. Je vous raconte :
Ça faisait deux ans que j’étudiais en Design de mode. Cette journée-là, les profs avaient décidé de nous récompenser par une sortie scolaire dans la grande ville pour aller trouver des étoffes originales sur Saint-Hubert. C’était THE sortie. Mes deux ami.e.s et moi marchions sur la rue en rentrant dans chacune des boutiques spécialisées. On avait besoin de belles étoffes, faciles à coudre, pour nos projets à venir. À la première boutique qu’on visite, on cherche longtemps mais on ne trouve pas. Il y avait de belles choses, mais aucun coup de cœur. On entre alors dans la deuxième boutique. Elle était beaucoup plus petite, mais plus chaleureuse ; les murs n’étaient pas blancs et les lumières n’étaient pas des néons. On salue la dame à la caisse qui nous répond à peine, en se glissant discrètement dans les allées. On est intéressées par plein d’étoffes, l’inventaire est particulièrement beau. On cherche méticuleusement au travers des vagues de parfum de matante. D’ailleurs, ça sent donc bin fort le parfum!
« Touchez pas les étoffes! »
Tiens, tiens. Je comprends maintenant. Je me retourne et me retrouve instantanément face à la dame de la caisse. Faut dire que je pensais pas que ça se pouvait, des endroits aussi étroits, avant d’entrer là. [+1 chose apprise grâce à l’expérience)
« Vous avez pas le droit de toucher les étoffes, ok? », nous répète l’espionne au parfum dépourvu de subtilité.
Si y’a une chose que j’ai apprise avec l’expérience, c’est que ce n’est pas chose commune dans les magasins de tissus d’interdire aux clients de toucher les étoffes qu’ils achètent. Pis ça prend pas un DEC en Design de mode pour savoir que la qualité d’une étoffe ne se juge pas qu’à l’œil.
« D’accord, mais elle est quel prix, cette étoffe-là ? », dis-je en pointant l’étoffe qui m’intéressait.
« Cher! »
Il n’y avait plus de doute, je me trouvais devant une Marie-Marthe*. Ne nous sentant plus les bienvenues dans la boutique, nous avons fait savoir notre désir de quitter. La seule réponse qu’on a reçue était claire :
« Oui, sortez! »
Donc, on est parties la queue entre les jambes et l’incompréhension dans les yeux. On est parties avec le visage de ceux qui se font pas prendre au sérieux. On dit que les jeunes ont l’énergie, et que les vieux ont l’expérience. Sauf que, c’est pas parce que j’ai pas connu le moulin à coudre que je ne peux pas magasiner une étoffe sans tacher tout ce qui m’entoure et faire de la casse.
Je ne sais pas moins ce que je fais que toi, et je ne suis pas nécessairement une bum.
Je suis juste jeune.
Et ça, c’est une expérience que j’ai vécue parmi tant d’autres. Malgré tout, l’histoire se répète assez souvent. On dirait que partout où on va, y’a toujours un plus vieux pour nous dire qu’on n’a rien vécu. Mais la vérité c’est que tu peux avoir 1000 ans et aucune expérience parce que pour développer de l’expérience, il faut savoir saisir des opportunités.
Juge-moi en chiffre si tu veux, mais compte plutôt le nombre d’opportunités que j’ai saisies plutôt que le nombre de chandelles sur mon gâteau.
Je suis capable aussi.
*L’utilisation du prénom Marie-Marthe n’est pas une insulte envers les femmes de ce prénom mais plutôt une référence à la chanson éponyme de Jimmy Hunt.
Crédit : Polly Nor