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grossophobie

Lorsque j’ai posé ma candidature pour devenir rédactrice à La , j’ai promis de cesser de lire les commentaires sur Facebook. Jusqu’à maintenant, je peux pas dire que ce soit un succès.

Cette semaine encore, et l’autre d’avant aussi, j’ai vu passer sur mon fil d’actualités des articles sur l’obésité. L’un déboulonnait le « mythe du fat and fit », l’autre titrait sur le taux d’obésité au Québec à grand coup de jeux de mots douteux. J’ai lu les articles et franchement, je n’en ai pas grand-chose à dire, même que celui sur le taux d’obésité est plutôt bien écrit, malgré les jeux de mots. Évidemment que pour le milieu médical, les gens en surpoids, c’est comme les fumeurs : ce sont des morts en sursis. Il y a des études, il y a des données, il y a des statistiques…  C’est sûr que je préférerais ne pas me faire répondre « Tu as pris du poids, t’as sûrement un nerf de coincé, fais des étirements, ça va passer » quand je vais consulter pour une douleur au tendon d’Achille, qui s’avérait être une tendinite qui a pris fuckin’ trop longtemps à guérir parce que j’avais fini par me convaincre que ma douleur était imaginaire. Mais bon, ça c’est un autre débat.

Ce qui me dérange encore plus que le biais du milieu médical, ce sont les commentaires qui sont publiés sous ces articles-là : le festival de la grossophobie ordinaire, l’humain dans tout ce qu’il a de plus petit.

Afin de garder l’intégralité du message, veuillez noter que les erreurs d’orthographes n’ont pas été corrigées dans les commentaires.

Catégorie « Faudrait quand même pas que ce monde-là commence à avoir de l’estime de soi »

Yolande commente : « Cessons aussi de valoriser les « grosses personnes ». C’est aussi pire que de valoriser les anorexiques. »

Marc commente : « Pendant ce temps, certaines personnes font pratiquement la promotion de l’obésité en disant que c’est beau être gros. C’est franchement ridicule! »

Catégorie « Y’ont juste à se prendre en main »

Marie-Claude commente : « Chacun fait ses choix… moins manger et bouger… blamer un système… blamer les autres… arreter de blamer et prenez vous en main. »

Pollito commente : « Cessons de les présenter comme des victimes, et faisons d’autres campagnes pour leur donner les moyens de contrôler leur poids, afin de rester en bonne santé. »

Yolande commente (encore) : « Personne ne vous oblige de manger du fast-food. »

Marc-André commente : « La culture faiblarde et victimaire gauchiste d’aujourd’hui empêche les gens de reconnaître leur responsabilités personnelles dans pas mal de sphères. »

Catégorie « Je trouve ça laitte »

Marc-André commente (encore) « Ainsi nos gros et grosses personnes qui se plaignent des mots ne peuvent accepter que leur poid puisse ne pas être idéal cliniquement et esthétiquement. »

Raphaël commente : « une grosse ne peut pas être en bonne santé, la junk food n’est pas sain pour la santé. Pour être en bonne santé il faut être mince.  » (J’ai mis le commentaire de Raphaël dans cette catégorie-là plutôt que dans la précédente, parce qu’il s’en prend spécifiquement aux grosSES. Comme si les gros, ça va, yé capable de dealer avec ça, mais clairement, les grosSES, ça le dérange.)

***

Au moment où je lisais ces commentaires, j’ai ressenti une immense lassitude. Vous tou-tes, qui écrivez ces commentaires, j’ose croire que vous ne savez pas. J’ose croire que vous ne savez pas à quel point vos commentaires sont violents pour les personnes qui les lisent. J’ose croire que vous ne savez pas à quel point c’est exténuant de devoir toujours justifier son existence.

Vous dites vouloir notre bien, mais vous vous attaquez seulement à ce que vous voyez : notre poids. Si vous vouliez vraiment notre bien, avant de nous juger, vous vous informeriez sur nos habitudes de vie, sur nos antécédents médicaux, sur notre génétique, sur notre histoire. Si vous vouliez vraiment notre bien, vous vous attaqueriez à la sédentarité, au stress, à la surconsommation, au manque de sommeil… mais, je vous l’accorde, c’est bien plus simple de s’attaquer au poids que de s’attaquer à la société post-industrielle. Pendant qu’on s’imagine des grosses personnes assises devant des écrans à manger des chips, on n’a pas besoin de remettre en question le monde dans lequel on vit. Si vous vouliez vraiment notre bien, vous vous attaqueriez aussi aux personnes minces qui ont des habitudes de vie de marde et qui risquent tout autant d’être malade. Si vous vouliez vraiment notre bien, vous cesseriez de nous rappeler à quel point on est laids et combien on devrait avoir honte. L’obésité est un problème infiniment plus complexe que l’équation malbouffe + sédentarité = surpoids. Si c’était si simple, je vous l’annonce, des gros-ses, il n’y en aurait pas.

À toutes les Yolande, les Raphaël, les Marc, les Marie-Claude, les Pollito : c’est bon, j’ai compris. Mes bourrelets vous dérangent, et si d’habitude j’ai envie de m’en crisser, parfois, comme ce soir, j’ai surtout un peu envie de pleurer. Maintenant, vous savez.

Source de la couverture : rawpixel.com

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