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Dernière tentative de faire comprendre ce qu’est le féminisme…

Faut que je te le dise, mononcle : tu fais pitié. Vulnérable qui se le permet pas, tu tiens ta femme pour acquise.

Parce qu’on va être honnêtes, mononcle : c’est pas ta fille qui ferait ton lavage, ton ménage pis ton épicerie. Elle a – heureusement – trop de caractère pour se faire reprocher de pas savoir cuisiner pis de pas être aussi belle que les vedettes de la TV!

Je vais te dire carré ce qui, je pense, manque à ta vie : le féminisme. Je te demande donc d’éteindre ta TV pour qu’on s’en jase.

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D’abord, faut savoir que le féminisme est un courant de pensée et d’action qui, comme tout autre, évolue et se transforme à travers le temps. Ainsi, avant même que le mot « féminisme » ne fasse couler de l’encre, des femmes se battaient pour obtenir les mêmes droits que les hommes et améliorer leurs conditions de vie.

Donc, au début du siècle dernier, c’est le féminisme égalitaire, celui qui lutte contre la discrimination et les différences, qui est apparu. Les femmes lui doivent notamment le droit de vote, celui à l’éducation et l’accès à de nouveaux secteurs d’activités desquels elles étaient généralement exclues.

En gros, une femme peut maintenant s’exprimer, s’instruire et subvenir à ses propres besoins ainsi qu’à ceux de sa famille. C’est quand même pas pire comme vision, on s’entend là-dessus.

Eh bien crois-le ou non, ce féminisme est toujours d’actualité. Les femmes, même aujourd’hui, au Canada, sont 25 % moins bien payées que les hommes pour le même travail, ceci à part du renoncement à leur carrière pour leurs enfants, sans compter que les gouvernements actuels coupent dans les milieux où elles sont majoritaires (éducation, santé, etc.); mais je t’offrirai un livre de Aurélie Lanctôt un de ces quatre.

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Parallèlement s’est développé le féminisme de la différence qui, contrairement au précédent, est plus culturel que politique. Aussi appelé « essentialisme », il valorise la femme dans ce qu’elle a de propre et qui serait différent des hommes (valeurs, maternité…). Ce courant en fait des forces sans les opposer à ce qui définit l’homme, puisqu’il les veut égales à celles de l’homme.

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Plus tard est venu le féminisme anarchiste. Je te vois déjà grogner, et pourtant, faut que tu saches qu’il ne s’en prend pas qu’au système patriarcal, mais à l’ensemble des systèmes d’oppression qui existent, car il remet en question l’ensemble de la société et pas uniquement les rapports hommes-femmes. Tu me suis?

Quand tu sacres contre les bandits à cravate qui te volent à travers tes taxes, tes impôts et ton salaire dérisoire, tu rejoins les anarchistes plus que tu le penses, car ce n’est pas de mettre le monde à feu et à sang qu’ils veulent, mais de vivre sans domination, que cette dernière s’appelle patron, gouvernement ou mari. Tu comprends?

En somme, une anarcho-féministe ne serait pas plus à l’aise qu’un homme vive sous la gouvernance de sa femme que le contraire. Rassuré?

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Bon, le féminisme radical maintenant. Pendant que tu chantais le yéyé avec les hippies, ces féministes s’unissaient pour appeler un chat un chat : le patriarcat et le capitalisme écrasent les femmes, et ce, tant dans la sphère privée que publique.

Leur lutte est politique, car elles jugent que c’est là que de tout temps a été décidé que la place au demeurant non-naturel des femmes était à la maison à s’occuper des enfants. Pourtant, rien en dehors de ces conventions ne l’affirme.

Je sais que tu t’opposes aux féministes radicales sur ce point, mais les femmes prouvent tous les jours qu’elles sont capables des mêmes choses que les hommes, comme les hommes démontrent qu’ils sont parfaitement aptes à rester au foyer pour s’occuper de leurs enfants.

Ces féministes dénoncent aussi que pendant que l’homme gagne un salaire au travail, elles ne reçoivent strictement rien à élever leur progéniture et se retrouvent ainsi pauvres et sans ressources s’il survient une séparation. Du coup, la femme est asservie à la fois à un rôle traditionnel et à une dépendance économique.

Je sais, les femmes font plus carrière aujourd’hui qu’avant, mais ce n’est pas si simple. Tu t’en es peut-être pas rendu compte, mais à juste commenter l’apparence des femmes, au lieu de leurs discours comme tu l’as toujours fait pour les hommes, tu as non seulement participé à leur discrédit, mais tu en as donné l’exemple à ton fils qui traite aujourd’hui de « salope » une fille en mini-jupe et talons hauts.

Résultat? Les dernières données de l’Union des Artistes montrent que les femmes, en vieillissant, sont moins bien payées que les hommes. Hypothèse : la femme doit rester jeune et belle, alors qu’un Roy Dupuis – en dépit du respect que j’ai pour lui – inspire encore le sex appeal ET le respect pour ses engagements sociaux, passé 50 ans.

Et si je ne veux pas connaître les détails de ta vie sexuelle avec ma tante, je suis hélas prête à parier qu’elle ne t’accueille pas toujours avec un « oui » bien affirmé dans son intimité.

Le viol conjugal est encore un fléau aujourd’hui, mononcle, parce que trop de gens croient que ça fait partie des rapports normaux qu’on a à l’intérieur d’un couple…

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Plus récemment maintenant, toi qui as appuyé la Charte des valeurs du Parti Québécois, je t’ai entendu injurier – encore une fois, derrière ta TV – des femmes qui portaient le voile et d’autres qui ne le portaient pas, mais les défendaient.

C’est là qu’entrent en jeu les féminismes postcoloniaux. Je les résumerai ainsi : des femmes vivant dans des pays colonisés par des nations occidentales ont décidé de s’affranchir de l’ethnocentrisme du féminisme occidental (donc de laisser tomber une vision du féminisme qui ne leur parlait pas), pour définir, selon leurs besoins et leurs réalités, de nouveaux féminismes.

Parce qu’à toujours dire aux autres quoi faire et comment être, le féminisme occidental se transformait parfois en ce qu’il dénonçait lui-même : une forme de patriarcat, une sorte de condescendance à l’égard des autres.

Toi qui aimes regarder des films, on se tapera la Charte des distractions.

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Depuis, le féminisme intersectionnel s’est inspiré d’un peu tous les courants pour montrer à quel point la « conjugaison » de différentes situations accroissait de façon exponentielle l’oppression de la femme. Et tu vas voir qu’on n’a pas besoin d’aller très loin de chez nous pour le voir. Par exemple, si tu vis au Canada, que tu es une femme ET une autochtone, tu cours 3 FOIS PLUS DE RISQUES D’ÊTRE ASSASSINÉE que si tu es une femme blanche!

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Ça me fait penser à ton mépris des Autochtones parce qu’ils bloquaient des projets de barrages, quand tu travaillais pour Hydro-Québec. Tu continues à pester contre eux et toutes les autres personnes qui s’opposent aux projets de développement miniers ou pétroliers au pays.

T’sais, mononcle, t’es pas un mauvais bougre, tu fais ce que la société t’a conditionné à faire : t’en prendre aux plus faibles. C’est donc le moment de te parler d’un courant récent : l’écoféminisme.

Que tu l’admettes ou pas, la planète va mal, mais les puissants s’en torchent. Sur le terrain, il y a des famines, des sécheresses, des catastrophes dans des milieux où ce sont généralement les femmes qui nourrissent le village, cultivent la terre et soignent les malades. Tu vois où je veux en venir?

Ben oui, les femmes ont soin de la nature comme d’elles-mêmes, de leurs enfants et de l’être humain – oui oui, des hommes aussi! L’anarchisme ne libérerait pas seulement les femmes, t’sais…

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Reste le féminisme post-moderne qui s’oppose aux courants égalitaire et radical, mais conserve la nécessité d’accepter les différences.

Au lieu de dire que les femmes seulement ont eu des rôles socialement conventionnés, ce féminisme tout neuf affirme que c’est la notion même de genre qui l’est. Ainsi, que tu sois homme, femme, neutre (aucun genre), etc., ou que tu sois hétérosexuel, homosexuel, bisexuel ou autre, tu devrais avoir les mêmes droits que les autres. Cette lutte rejoint le transféminisme qui évolue davantage dans les sphères culturelles que politiques.

La sexualité d’une personne, dans son identité ou dans son orientation, ne nous regarde pas. Si c’était toi, ta fille ou ton fils, tu réagirais comment? Pense à ça.

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Aujourd’hui, mononcle, l’individualisme a atteint le féminisme et l’a dépolitisé à un point tel que bien des femmes ont abandonné la lutte contre le patriarcat et le capitalisme pour, ironiquement, les servir – genre : « J’ai un projet personnel dans lequel je m’accomplis et je trouve la reconnaissance, donc j’ai pas besoin des autres. »

C’est de l’utilitarisme. C’est se servir des acquis passés pour faire sa marche seule au profit de la société et d’un système qui nous ont – et qui continuent – à nous mettre à mal. Pourtant, il reste tellement de travail à faire!

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Tu sais, mononcle, je t’aime bien. Pis je m’attends pas à ce que tu comprennes tout ça aujourd’hui. Mais que tu reconnaisses ta limite et que tu essaies de la dépasser pourrait te faire passer de mononcle à mon oncle, pour moi. Penses-y…

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