Du 7 juillet au 31 août à la Cinémathèque québécoise se déroule un cycle complet sur l’histoire de l’érotisme qui comprend 105 séances, trois conférences et une exposition. La programmation chaude couvre le début du 20e siècle à aujourd’hui avec des courts et longs métrages internationaux. Plusieurs films présentés sont rares ou inédits : vous ne les trouverez pas sur Internet, j’ai essayé.
Aller à la cinémathèque, ce n’est pas seulement voir des films, c’est une expérience en soi. Ici, pas de popcorn ni d’arcades, le temple du cinéma dégage une ambiance chic sexü qui donne envie d’aller prendre un verre au Bar Salon adjacent en discutant de la Nouvelle Vague pour impressionner votre nouvelle fréquentation. Ou tout simplement, relaxer en enrichissant votre culture artistique personnelle (moment ô combien privilégié) en vous rappelant nostalgiquement vos études en arts – réalisées ou fantasmées – qui ont passé trop vite. Il faut y aller au moins une fois pour comprendre et apprécier ce lieu dédié au cinéma, vous plonger dans une écoute attentive et parfois commentée par des spécialistes, pour notre plus grand plaisir.
J’ai assisté à la soirée d’ouverture qui avait lieu le 7 juillet dernier. Marcel Jean, directeur de la Cinémathèque québécoise depuis avril 2015, présentait les projections de la soirée avec générosité et humour, y allant d’anecdotes intellectuelles et grivoises de haut niveau. Nous avons visionné plusieurs bandes-annonces de films pornographiques, qui sont parfois plus intéressantes que les films eux-mêmes, pour paraphraser les mots du directeur. Des métaphores de fontaines lubrificatrices et des sous-titres éloquents comme « UN FILM TRÈS TRÈS RAIDE » m’ont fait bien rire.
Mon coup de cœur de la soirée va au court métrage Èves futures (1964) de Jacques Baratier. Pendant vingt minutes, on assiste à la création de mannequins destinés aux magasins de mode. Le regard du cinéaste est à la fois voyeur et dérangeant. Les femmes-objets adoptent des poses suggestives dans les mains des ouvriers et ouvrières qui les manipulent. Elles prennent forme ensemble, blanches et (trop) maigres. Des femmes en série presque identiques, sans personnalités, qui existent seulement pour séduire. Tout à coup, de vraies femmes se mêlent aux fausses, les imitent, rigolent, montrent par l’ironie la plasticité des positions figées. Les femmes finissent par se confondre, restent immobiles : le réel est troublé. Le climax du film se produit quand des femmes noires arrivent et se mettent à danser joyeusement parmi les corps. Elles confirment cette intuition narrative : l’érotisme du film repose dans le mouvement réel ou suggéré de ces femmes. On sent une solidarité naître entre ces femmes. Elles sont bien vivantes. Un film à voir pour l’originalité des plans, l’esthétisme et la prise de parole féministe.
Je vous invite à lire la programmation complète ICI.
Bon cinéma!
Image de couverture : Happy Together de Wong Kar-wai, présenté le 19 juillet à 19 h à la Cinémathèque