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Ma peur de vieillir

« On verra. »

C’est pas mal comme ça que j’ai commencé toutes mes dernières relations, à grands coups de « on verra », de « on se fait pas de promesses » et de « un jour à la fois on n’est pas pressés hein on va se calmer le je t’aime pis le on sort ensemble franchement ».

« On verra », comme si un jour j’allais finir par être convaincue à 103 % d’être au bon endroit au bon moment, comme si c’était possible de ne jamais-jamais éprouver de doutes, comme si je refusais de définir mon « demain » en me disant que comme ça je vivrais plus pleinement mes « aujourd’hui ».

J’entamerai sous peu ma dernière année de formation avant de me retrouver sur le très fascinant (et angoissant) «  marché du travail », et je réalise que je fonctionne exactement de la même façon fasse à mon avenir professionnel que face à mon avenir amoureux, c’est-à-dire dans la peur de me voir prendre des décisions à long terme, des décisions pour mon Avenir avec un grand A et pu juste pour mes aujourd’hui sans majuscules pas de point.

Comme si le long terme m’enlevait automatiquement le droit à l’erreur, ce qui est, quand j’y pense, une des associations les plus absurdes de l’univers.

C’est comme si, dans ce bain-là de « vivre pleinement », de tout faire, de tout voir, d’être partout là et maintenant, j’avais oublié comment on fait ça de penser à l’avenir. C’est comme si ce mot-là : « l’avenir », était devenu le plus grand tabou de ma petite vie.

J’ai l’impression qu’à force de se faire répéter que notre vie se passe quand on est «  jeune » et que nos plus belles années sont dans la vingtaine, ça avait fait naître chez moi cette immense phobie de vieillir, et donc par le fait même d’anticiper tout ce qui vient avec, comme de prévoir mon avenir.

J’ai eu 23 ans récemment et, pour la troisième année d’affilée, j’ai encore pleuré à mon anniversaire en réalisant que j’avais vieilli d’une année de plus, oh non pauvre de moi. Et je me demande, elle est passée où l’éducation de société dans laquelle grandir reste une fierté passé nos 20 ans? Penser à un monde où vieillir est excitant et stimule la hâte aux lendemains me semble complètement halluciné, et ça c’est complètement absurde.

Pour ce qu’on en sait, c’est vrai qu’on only live once, mais on peut lire partout sur internet que les gens vivent de plus en plus vieux et que l’espérance de vie moyenne pour un humain est de 75 ans. Il me semble que ça fait beaucoup d’années et beaucoup de jours à « vivre le moment présent » et que ça ne nous ferait pas trop de tort de commencer à penser à Noël, puis à notre graduation, puis à notre carrière, puis à notre condo-appart-maison-domicile-fixe (t’sais ces affaires-là paniquantes qui composent le mot « avenir »).

Tout le monde vieillit, personne n’y échappe, donc est-ce que ça ne devrait pas plutôt être une célébration? De chercher à empêcher les rides me parait aussi absurde que de refuser à un enfant qu’il perde ses dents de lait.

Et au fond c’est bien normal qu’on se sente étourdi, qu’on ait l’impression que les années se mettent à accélérer, une année pour un enfant de 10 ans ce n’est qu’un dixième de sa vie, alors qu’une année pour un adulte de 26 ans c’est un vingt-sixième de sa vie, la proportion est bien plus petite et donc la durée d’une année semble moins grande. Alors oui, la vie s’accélère. Alors non, l’avenir n’est pas si loin et épeurant et ténébreux que ça, en fait, il est même déjà là, dans la prochaine minute, dans le prochain mois, dans les prochaines années qui rapetissent.

Bien sûr on peut chérir nos souvenirs de « jeunesse » en désirant nommer ce temps-là où les responsabilités nous semblaient moins grandes et nos décisions plus audacieuses, mais au fond la « jeunesse », c’est pas davantage un état d’esprit qu’une époque ou qu’un look tendance?

La jeunesse c’est en dedans. En dedans des mamans-papas-adultes, en dedans des enfants dans la cours d’école, en dedans des joueurs de bingo professionnels, en dedans des filles de 23 ans qui ont encore un journal intime. Ça fait pas de discrimination la jeunesse, faut juste y croire (se référer à Robin Williams qui fait un food fight de nourriture imaginaire dans le film Hook).

Sur ce, je vais aller remplir mon agenda jusqu’à Noël et faire des cœurs sur la case de mon prochain anniversaire en me laissant un astérisque sous lequel je me promets de ne pas pleurer ce jour-là. Baby steps comme ils disent.

Par Virginie Morin-Laporte

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