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Le futur de l’éducation au TEDx Québec

Il y a deux semaines, j’ai assisté au TEDx Québec (2016), un évènement rassemblant, le temps d’un après-midi, une dizaine de conférenciers présentant chacun, de façon assez brève, un sujet en lien avec un thème central. Cette année, il s’agissait de l’Humanité.

Plutôt que de me lancer dans la description de cette expérience, j’aimerais discuter de l’un des sujets abordés durant la première partie de l’évènement – la seconde conférence, pour être plus précis, titrée « L’éducation de nos enfants… Assez concrète? ».

Lorsque les applaudissements ont cessé, un gars d’à peine 15 ans, tout bien vêtu, est monté sur scène, et c’est à ce moment que j’ai perdu espoir en l’humanité.

Source : c’est moi qui l’ai prise!

Joël Lacoste-Therrien proposait en effet de se diriger vers une refonte complète de l’éducation au secondaire, en remplaçant les matières théoriques (je cite : « subordonnée relative », « fonction quadratique ») par des apprentissages pratiques, comme la comptabilité et la communication formelle. Selon lui, les cours de mathématiques et de français sont dépassés et ne sont d’aucune utilité dans la société moderne, alors que les jeunes ont besoin de savoir comment passer une entrevue ou gérer des finances. Il a même fièrement présenté une pétition qu’il a organisée dans le but de conduire à l’instauration de ces mêmes cours pratiques au secondaire, avec une approbation à 95% des gens qui ont eu vent de cet ultimatum.

Maintenant, ne croyez pas que ça me fait plaisir de critiquer ce gars, sachant que je n’ai que quelques années de plus que lui, mais j’ai de bonnes raisons de croire que ses accusations portées contre l’éducation au secondaire ne sont pas tout à fait légitimes, pour ne pas dire illusoires, tout comme l’idée de procéder à une refonte complète du système dans une lignée utilitariste. Au contraire, il s’agirait bien, selon moi, de la pire chose à faire dans l’état actuel.

Portons un regard justement sur notre système d’éducation actuel. Je classerais, de façon très grossière, les types d’étudiants parmi deux catégories : les « capitalistes » et les « élèves » (mots choisis de façon arbitraire). Les premiers sont de futurs entrepreneurs, qui considèrent tout d’un point de vue utilitariste. Ils sont calculateurs, et visent la productivité. Quelque chose est optimal s’il permet de récolter un maximum de profit monétaire avec un minimum d’investissements. Les seconds, eux, sont des élèves dans le sens ancien, à savoir des gens qui sont assoiffés de connaissances, qui désirent être élevés, qui désirent « s’élever ». Ceux-ci sont à l’école pour apprendre, et non pour le diplôme qui sera distribué à la fin.

Et le constat actuel, c’est que la balance penche dangereusement du côté des « capitalistes ». Derrière les motifs des élèves, rares sont ceux qui sont à l’école véritablement pour se cultiver, s’instruire. On veut finir son secondaire parce que c’est la porte d’entrée à beaucoup d’emplois. On veut faire un DEC en Sciences de la nature, pas parce qu’on s’intéresse véritablement aux sciences naturelles, mais bien parce qu’on veut s’ouvrir les portes pour tous les emplois du marché. On veut aller étudier en médecine et en droit, parce que c’est payant. Évidemment, je généralise, mais le portrait en demeure tout de même assez juste.

Mais qu’en est-il de l’autre côté de la balance? Des jeunes qui sont à l’école pour son but originel, soit celui d’éduquer le peuple? Les programmes d’Arts et de lettres sont de moins en moins valorisés. À l’Université Laval, on a assisté à une baisse draconienne des inscriptions dans la faculté de musique dans les années précédentes. Même constat dans plusieurs disciplines reliées aux sciences humaines, en philosophie, en théologie, et c’est peu dire. Conclusion : puisque ces programmes ne peuvent plus garantir un revenu constant, ou généreux, alors vaut mieux ne plus y penser.

Je m’oppose à cette attitude. Renoncer à l’éducation et embrasser la voie de l’utilitarisme va mener au bout de la ligne à une société déchue, asservie selon moi. L’objectif principal de chacun sera alors de gagner le plus d’argent possible, puis le dépenser dans des biens souvent futiles, avant de recommencer ce cycle, baignant dans la douce tendance de la vanité. A t-on passé à travers cinq millénaires pour en arriver là? À une espèce de société contrôlée, hiérarchisée par la puissance monétaire, abrutie par son désir de productivité?

J’espère bien que non. Sauf que l’attitude actuelle nous amène dans cette direction, et substituer les cours au secondaire par des « préparations à la vraie vie » n’est certainement pas une bonne idée pour freiner cela, tout au contraire. Les jeunes – et je m’inclus dans cet appel – ont besoin d’une éducation primaire : pas les établissements d’enseignements, mais bien l’éducation qui va leur permettre de développer la morale, la rationalité, la compréhension de phénomènes tels que le langage, la compréhension de l’art, de la musique, de l’arithmétique, et le développement et la préservation de leur culture. Sans cela, nous exposons notre cohésion sociale à une grande instabilité. Sans cela, nous perdons notre humanité

Et c’est sans préciser que dans une perspective « capitaliste », ou aspirant ultimement à la productivité, l’atteinte de celle-ci va nécessiter des connaissances élémentaires. Un professionnel sur le marché du travail qui rédige des rapports bondés de fautes, je trouve ça absolument aberrant – à savoir qu’au terme du secondaire, un élève devrait pouvoir écrire sans faire de fautes, ou minimalement, tout au plus. L’idée de réduire ou de remplacer les cours de français constitue donc une erreur, tout comme la substitution des cours de mathématiques, d’histoire et des autres sujets scolaires, qui ont tous leur propre utilité dans la vie professionnelle. Par exemple, pour rédiger un CV ou passer une entrevue, il faut savoir bien communiquer et écrire sans faire de fautes, tout comme pour faire de bonnes affaires, il faut posséder des connaissances en mathématiques. Si la matière est enseignée de la bonne façon à l’école, cela est alors un autre débat… mais une chose est sûre, c’est que l’école secondaire n’a pas besoin d’une refonte complète de son contenu enseigné en ce moment, et que je ne suis pas prêt à me soumettre aux idées démesurées d’un jeune homme un peu trop ambitieux. Et voir que 95% des précédents auditeurs de ce jeune « entrepreneur » ont adhéré à ses idées… le futur s’annonce sombre.

Par Foan Song

Source couverture

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