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Manger de la solitude donne des forces

Le soleil se cache tôt, lorsqu’il ose se présenter, et si ce n’est pas le cas, c’est le gris qui prend le relais. Il fait froid désormais et les amoureux en profitent, s’enlaçant pour se réchauffer, les mamans recouvrent leurs petits d’un million de couches de tissus et nos grands-parents se tiennent occupés en remplissant le congélateur de petits pains fourrés et de tartes au sucre pour l’arrivée des fêtes. Quelque part, entre les feuilles mortes au sol et les foulards de laine, il y a moi, la vieille célibataire, la difficile, la tête de cochon, la solitaire. Une solitude que j’ai apprivoisée avec les mois, avec les années. Une amie patiente qui a su m’éclairer lorsque j’étais perdue, une paire de chaussures à talons aiguille qui m’a rendue grande quand je me sentais si petite. Une solitude dont je ne voudrais pas me débarrasser pour rien au monde…même si au début, j’aurais tout fait pour l’échanger contre des papillons dans le ventre.

Être célibataire, qu’est-ce que ça signifie? Je suis tannée qu’on me le fasse remarquer partout où je vais, je suis tannée de devoir expliquer le fait que, oui, ça fait maintenant deux ans et demi que je suis seule et que ça me convient. Ça me convient pourquoi? Pour les simples et bonnes raisons que je préfère être forever alone qu’être prise dans une relation qui m’empêcherait de m’épanouir juste parce que l’amour peut parfois recouvrir d’un doux voile rose nos yeux pétillants de ce que j’appelle le «faux bonheur». Je dis bien «faux bonheur» pour certains cas. Par exemple, je constate, malheureusement trop fréquemment, qu’il y a des personnes qui n’arrivent pas à gérer leur vie eux-mêmes. Ils sont toujours à la recherche des sentiments, quelque part sous une pluie de feux d’artifices et d’un vide prêt à être comblé, peu importe le prix. Les papillons de l’amour pourront forcément bourrer cette petite crevasse logée dans notre cœur depuis la fois où notre ex l’a fait craquer en infini de parcelles d’éclats, mais tout est éphémère. On préfère collectionner les feux de paille et malheureusement on n’en garde que les cendres, s’accumulant dans un petit pot et nous rappelant chaque fois que ce n’était pas le bon. Quand on souffre de la maladie de l’amour, on oublie vite qui nous sommes et on se plie trop facilement aux exigences de l’autre, sans y porter la moindre attention parce qu’au fond, l’important c’est de ne plus être seul. On laisse vite de côté les jeudis soirs entre chums, le voyage en Europe prévu avec ton meilleur ami en mai et la belle toile que tu avais commencé à peindre une nuit où tu avais besoin qu’on te prenne dans tes bras. On se laisse bercer dans un léger réconfort qui nous brouille l’esprit et qui nous éloigne de cette solitude qu’on traine de bagage en bagage, de cœur en cœur.

J’ai trop souvent cru que pour être heureuse dans ma vie, il me fallait trouver un amoureux avec lequel je pourrais enfin commencer à construire des projets, à devenir plus sérieuse et respirer enfin dans ses bras, m’apportant réconfort et la paix d’esprit. J’ai tellement mis d’énergie et de temps pour retrouver la sensation perdue que j’avais d’être amoureuse que j’en avais oublié l’essentiel: Moi. J’étais une obsédée. La pression sociale de la société d’aujourd’hui a eu raison de moi. Les «t’as pas de chum?» m’ont convaincue qu’il fallait que je persiste dans ma quête tandis que les romans et les films à l’eau de rose me servaient d’exemple. Je me suis conditionnée physiquement et mentalement à croire, à rêver de cet univers de conte de fées où ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. J’ai laissé filer de belles opportunités. J’aurais pu voyager, en profiter, m’inventer des vieilles habitudes de filles seules tiens, ou m’en foutre même! Mais au lieu de tout ça, je me suis entêtée, férocement, à m’introduire dans une guerre perdue d’avance entre des relations à sens unique et des relations superficielles n’amenant que des engueulades et du malheur. Un gros sac à ordures rempli de gaspillage. J’ai eu tort d’espérer rencontrer une personne qui pourrait me sauver de cette affreuse solitude qui me plongeait de plus en plus dans le noir. J’avais besoin de lumière, mais trop aveuglée à la fois pour m’apercevoir que je n’avais pas besoin d’un Christian Grey à mes côtés pour me sentir forte et fière et amoureuse…

Puis un jour, j’ai craqué. J’ai fait une overdose. Trop d’affection chimique et malsaine circulait dans mes veines. Je n’avais même plus le buzz escompté. Je n’étais qu’une pauvre junkie affaiblie par la dépendance. Je ne ressentais plus rien, un «je t’aime» m’était égal. Ils étaient tous les mêmes. À jeun, ma peine était douloureuse à supporter. Je ne savais plus où j’en étais, ce que je voulais. On ne peut pas s’accrocher à quelqu’un lorsqu’on est déjà attaché, quelque part entre ici et ailleurs. J’ai laissé tomber mes pushers. J’ai dit bye bye une fois pour toutes à ces ex qui gardaient une place volée dans mon quotidien. J’ai délaissé mes vieilles manies, mes attentes surréalistes face à l’amour. Je me suis retrouvée seule devant mon miroir, j’avais besoin d’exploser, de vivre enfin mes blessures du passé, mes peines d’amour que j’avais cachées dans une vieille boite de carton dans le fond de ma tête et de mon cœur. J’avais besoin de reprendre de la confiance. Quand on accumule les déceptions amoureuses, on finit par penser que c’est nous le problème, quand, au fond ce n’est qu’une question de timing, de tolérance et d’acceptation. Ça ne veut pas dire que nous sommes moches ou nuls. J’ai explosé, oui! Sur une feuille, j’ai griffonné des mots, des phrases, ma colère, ma sensibilité. J’ai noirci des dizaines de cahiers. Je les trainais partout avec moi. C’est devenu peu à peu un passe-temps, une façon d’apaiser mes petites souffrances, une activité qui m’aide à me retrouver lorsque ma tête se perd.

Un jour, je ne sais plus trop lequel, je me suis sentie bien, légère. L’écriture faisait toujours partie de ma vie, mais j’en voulais plus. J’aime écrire. Ça m’avait aidé à retrouver le calme dans moi, à retrouver mon indépendance. J’ai décidé de continuer, encore et encore puis un jour, un autre, j’ai décidé que je voulais écrire aussi pour les autres.

Ça ne me dérange plus d’être célibataire. Je suis libre, je suis épanouie. Je n’ai pas de regrets, si ce n’est d’avoir mis tant de temps à réaliser que personne, mis à part nous, ne peut apporter ce dont nous avons le plus besoin et d’avoir gâché des relations auxquelles je tenais, tout simplement parce que je n’ai pas pris le temps nécessaire pour moi, pour vivre avec moi, pour m’aimer moi et pour me connaitre moi. On dit qu’il faut savoir s’aimer avant d’aimer les autres, et aujourd’hui, j’en suis plus que convaincue. C’est fini la course aux amourettes et les dates foireuses, c’est fini les «mais ça pourrait peut-être marcher» ou les « je vais lui laisser une chance». Je sais ce que je veux et je sais ce que je vaux. Si les gens prenaient du temps pour eux-mêmes au lieu de forcer les choses et d’élargir le cercle vicieux des «criss de folle» et des «trous du cul», je crois sincèrement qu’il y aurait moins de séparations et plus de mariages qui durent. Trouver la bonne personne ça peut être long et épuisant, mais quand je vois mes parents s’aimer comme ils s’aiment, mes doutes s’évaporent et me font croire qu’encore en 2014, avec de la patience et du recul face à nos fantômes du passé, il est possible de rencontrer l’amour de notre vie. Pour l’instant, je me considère heureuse et même si je suis seule, je m’en fous, je me suis trouvé une passion, un amour pour la vie.

Et qui a dit qu’il n’y avait que les amoureux qui ont des étoiles dans les yeux?    

 

Alexe Raymond, réviseure, raymond.alexe@gmail.com

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