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Génération Speed Stick – Par Ariane Lessard

Oui, je suis une femme désincarnée : si désincarnée que je ne cherche pas l’amour et que s’il apparaît, je ne vais pas le voir (dans le sens de : je vais regarder à côté… par exprès).

Je veux pas du love pis même en couple, je deviens morose, plate pis je me reconnais pu. En fait, je suis une sauvage-misanthrope. L’ermite, c’est ma carte fétiche de tarot… de tarot tsé.

Je suis là, à avouer que je « m’engage » pas tant pis les boomers doivent se dire : « Ben oui toi, elle est jeune, elle a rien vécu, elle vient de la génération speed stick » pis ça me fait chier, c’est vrai, d’en être restreinte à ma génération. « Ah ouin, elle pis les vingt douze mille autres, dans le fond, sont tous pareils ». Généralisation de la génération, qu’on appelle ça. Je cours pas partout, moi, en disant aux vieux que si j’étais brillante, je lâcherais mes études universitaires pis j’irais direct travailler en maison de retraite pour laver les dentiers pleins de bouffe pis les assiettes pleines de bave.

Mais juste pour me faire l’avocate du diable, mais pas en Prada parce que je porte pas de marques, je vais faire de la tautologie : « Je ne tombe pas amoureuse parce que je ne rencontre pas des gens de qui je pourrais tomber amoureuse ».

Dans le sens de « Y sont où les gars, les hommes, qui s’intéressent aux mêmes choses que moi, qui sont matures et sexus, qui écoutent des films, qu’y lisent, qu’y sentent bons pis qu’y ont envie de parler de philosophie (mais pas trop), et ce, même dans une date Tinder?

Le problème, oui, le problème, c’est que leur carte de tarot représentative, ça doit aussi être l’ermite pis que Tinder, ben c’est pas la place pour les trouver…

(Ici, c’est le moment où j’avoue à ma mère que si je lui dis je vois quelqu’un, ça veut dire je le vois, mais on s’aime pas plus qu’y faut pis des fois on se voit pu, parce que j’ai rencontré une nouvelle personne, mais que c’est correct parce que c’est mon choix pis que je me fais pas mal avec ça, que c’est un peu comme à New York dans le temps du Studio 54, mais sans la drogue, sans Ryan Philip pis avec de la protection).

Une des dernières personnes que j’ai rencontrée, c’était en voyage. On s’est connus trois jours, mais je garde un meilleur souvenir de lui que de n’importe quel gars pas rap qui me dit que j’suis cute à répétition sur une application. Pourquoi il en valait la peine? Parce qu’il était brillant pis que ça paraissait, parce qu’il voulait faire l’amour, mais qu’on avait aussi envie de se parler pis longtemps, de n’importe quoi. De la politique, de la musique, de la littérature, de la lutte, du cinéma, de nos familles, de ma tite job pis de la sienne, quand même assez nice (inventeur d’instruments de musique). « I can put sounds into the wood », qu’y disait. Moi, ça me charme les gars qui inventent des choses. Pis non, c’était pas un artiss, c’était un scientifique. Pourquoi c’est faire que si un gars semble nice ici, tu lui parles de ciné pis ça clique pis que si tu lui parles de romans, y dit qu’y lit pas. Comment ça se fait? Est-ce que c’est parce qu’y choisissent le degré d’intellectualité qu’y veulent posséder? Genre un art pis c’est toute parce que deux c’est too much?

J’aimerais ça rencontrer un être juste entier.

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