Je me sauve des gens que je ne connais pas personnellement, ceux de la catégorie des « connaissances ». Je veux dire que je ne fuis pas au point de me promener tous les jours en souliers de course seulement que je n’aime pas me retrouver au sein d’êtres qui me sont égaux et vice versa. Je déteste me retrouver en présence d’« étrangers » auxquels j’aurais à donner un petit bout de ma vie en guise de présent, comme s’ils avaient besoin de déballer mes dernières nouvelles pour fêter un certain « hasard de circonstances » alors que les leurs, je les retourne au magasin en échange d’un morceau de paix.
Alors j’évite, ou plutôt je détourne ces situations.
Ça ne fait pas de moi une personne impolie. Je vais pas regarder tout le monde avec des airs de Charles Manson. Je n’ai aucune difficulté à leur sourire ni à leur parler. Mais si j’ai la chance de me cacher à la pharmacie par peur de me faire déranger par une personne quelconque que j’ai reconnue au loin et de me faire demander « quoi de neuf dans ta vie? » quand, au fond, je le sais très bien qu’aucun de nous deux y tient vraiment parce qu’on s’en sacre royalement, alors pourquoi pas? Si tu veux vraiment savoir comment je vais, montre-moi que ça t’intéresse parce que, moi, je vais probablement pas te raconter la fois où j’ai appris que mon grand-père avait le cancer dans l’allée des Tampax.
J’essaie simplement d’être honnête et donc d’enfouir dans ma poche les réponses trop grandes pour une simple rencontre à l’improviste, pour ne pas en venir à un mensonge par pure discrétion. Je sais qu’on n’agit pas comme ça pour mal faire et que c’est simplement un signe de politesse, preuve que nous sommes bien élevés. Mais d’une certaine façon, n’est-ce pas un peu hypocrite? Si on a envie de se voir, de passer du temps ensemble, on va entrer en contact. On va s’arranger pour que cela se concrétise. On va se texter. On va s’appeler. On va s’envoyer un message sur Facebook au pire. Mais l’important, c’est que les deux, on ait envie de se parler, pour vrai.
Combien de fois on a pu dire à quelqu’un « on fait quelque chose bientôt! » juste pour bien paraître ou pour sauver la mise d’un éventuel malaise d’un « au revoir » pesant et sec?
Plus souvent qu’autrement, non?
Et c’est tellement stupide!
Mais on le fait tous, sans même y penser, sans même réfléchir une seule seconde aux conséquences que ce geste pourrait apporter. La personne concernée attend peut-être toujours de nos nouvelles, parce qu’elle, elle y croyait.
Parce que moi aussi, on me l’a déjà fait ce coup-là. Moi aussi, j’ai langui pour finalement réaliser que c’était juste des paroles en l’air, des mots rassemblés pour former une jolie phrase préfabriquée, emmagasinée au cas, lors d’une pénurie de courtoisie, des excuses parfois utilisées, involontairement, parce qu’on veut être gentils.
Les « on se textera » et « tu me donneras de tes nouvelles là » aboutissent souvent à la poubelle, par manque de volonté, étant nous-mêmes déjà accaparés essentiellement par nos proches, les histoires compliquées, les problèmes et le quotidien qui grugent toute occupation venant de l’extérieur.
Pas de place pour les autres, sauf si tu y tiens.
Ce qui fait de moi une maudite sauvage, une pas sociable, celle qui n’a pas besoin de plus de deux, trois amis parce qu’eux, je les connais et ils me connaissent. Ils m’acceptent, peu importe le wagon dans lequel je me trouve, peu importe la direction dans laquelle je vais.
Fait que, parfois, j’attends de sortir de chez moi uniquement parce que j’ai pas envie de croiser mon voisin dehors pour qu’il me demande « pis comment ça va fille aujourd’hui? » et de lui répondre « bien, merci, toi? », alors que j’aurais juste envie de crier que « j’passe vraiment une journée de marde ». De toute façon, en quoi pourrait-il m’aider? Qu’est-ce qu’il en a à foutre? Il voulait juste être courtois.
Mais n’empêche que la prochaine fois que je croiserai malencontreusement quelqu’un à la pharmacie et que je n’aurai pas le choix de répondre, je lui dirai tout de même « pas grand-chose, toi? », par habitude, par politesse et pour repartir, le plus vite possible.