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Lettre à la nostalgie

À toi, ma chère Nostalgie,

Du plus loin que je me souvienne, tu as toujours fait partie de ma vie. Parfois plus subtilement, plus délicatement, et d’autres fois avec force et rage.

Quand j’étais jeune, on se côtoyait sur le bord de la mer, en voiture, en chanson, lors des soupers de famille et au parc.

Je ne sais pas trop ce qui t’a pris. Peut-être as-tu trouvé qu’on s’entendait tellement bien tous les deux que tu as voulu faire passer notre relation à un autre niveau. Peut-être t’es-tu juste dit, aussi, que c’est en ta présence que je comprendrais mieux le monde. Je ne sais pas.

Ce que je sais, par contre, c’est que depuis trois ans, notre relation est devenue fusionnelle. Toi et moi, on ne fait plus qu’un. Tu es toujours à mes côtés, ou plutôt, en moi; dans la marche, dans l’étude, dans mes relations interpersonnelles, dans l’art, dans la nourriture, dans la nature, dans le matériel, dans mes jours et dans mes nuits. Partout où je vais, dans tout ce que je fais, dans tout ce que je dis, ta voix résonne.

Je t’ai souvent aimée, plus souvent que hais. « Nostalgie, tu me fais du bien », que je te disais dans les moments où tu venais doucement effleurer ma joue un soir d’été.

Et puis, un jour, sans que je te l’aie demandé, tu as usé de ta fine ruse pour te tatouer sur mon cœur. Avec ton fil de douleur, tu as sellé nos êtres ensemble. Depuis ce temps, tu ne me quittes plus. Dans la noirceur de la nuit, je te tolère, dans la lumière du jour, je te hais.

Tu détruis ma raison de vivre, mes relations, mes buts. Ma vie en entier se dégrade sous ta force. Tu pèse tellement lourd que je m’empoisonne de substances prescrites plutôt que de substances illicites, pour garder la tête ne serait-ce qu’au niveau de la mer.

Resteras-tu, Nostalgie?

Me quitteras-tu pour une âme moins détruite? Pour une contrée encore dépourvue de trop de gravures funestes?

Je ne sais pas si je l’espère, parce que malgré tout, tu m’as si souvent réconforté. Tu m’as toujours enveloppé de ton voile sombre et j’ai appris à t’aimer.

Quoique mes adieux me semblent inutiles,

Au plaisir que tu t’absentes durant quelque temps.

Signé ta douce moitié; le Bonheur

Source photo de couverture

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