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Lâche ton cell

Tu sais, quand j’te parle, c’est parce que j’ai vraiment envie de partager un moment avec toi. Que ce soit pour une anecdote, un potin croustillant ou même pour me plaindre (on est tellement bon pour se plaindre nous, humains). Si je t’ai choisi, c’est parce que j’te veux dans mon univers un peu tout croche. Qu’on s’regarde dans les yeux pis qu’on refasse le monde jusqu’aux p’tites heures du matin sur le coin d’un bar miteux qui sent encore la vieille clope.

Mais tu sais, ta face allumée par une lumière blanche artificielle me donne aucunement l’envie de m’ouvrir les tripes. J’ai aucune envie de vider mon sac quand tu m’écoutes d’une demie oreille, trop intéressé par ce qui s’passe dans ton monde virtuel ou par un chat qui joue de la trompette. Qu’est-ce que je dois comprendre si tu passes notre moment ensemble à texter une autre personne? Que t’as pas envie de me voir? C’est peut-être égoïste de penser comme ça, mais je pense que c’est une simple question de respect.

Ce n’est plus de la dépendance affective, c’est rendu de la dépendance techno-affective. Quand t’as besoin de texter quelqu’un en permanence. Mais tu sais quoi, ça devient un irritant. Quand tu décroches de mon histoire de fou pour répondre à quelqu’un, j’peux aussi bien commencer à te parler de poulet au gingembre que tu t’en rendras même pas compte.

J’te dis « tu », mais j’pourrais aussi bien dire « je ». Parce tu sais quoi? J’suis comme ça moi aussi par moment. J’ai beau clamer haut et fort que « ÇA M’ÉNARVE QUAND TU GOSSES SUR TON CELL DANS MA FACE», ben maudit, quand ma gogosse en plastique vibre sur le coin de la table, ça me prend un effort éléphantesque pour ne pas le prendre et considérer que j’ai de l’attention technologique.

Mais c’est là que j’me dis que j’suis née à la mauvaise époque. J’aurais aimé ça vivre les belles années où les relations interpersonnelles primaient sur l’antisocialisme qu’un cellulaire provoque. C’est vrai que je généralise pas mal en disant ça, mais mon dieu que dans mon entourage c’t’une réalité plus que présente. Pis, bien malgré nous, nous sommes tous impliqués là-dedans. En espérant que ça n’ira pas en empirant, et que les gens vont prendre conscience que la chaleur humaine vaut bien plus qu’un cellulaire froid et sans émotion.

Par Virginie Drapeau

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