Ici, on utilise l’adjectif « petit » à toutes les sauces.
Je vais prendre un p’tit café.
Donne-moi un p’tit instant.
J’peux-tu te voler une p’tite frite?
Ici, on minimise notre talent. On minimise notre culture générale. Maudit intello!
On se sent mal de faire de l’argent et on justifie nos dépenses. Ouin, elle en a du cash elle pour s’acheter ça!
On parle peu de notre bonheur et lorsqu’on le fait, on y donne de la légitimité en rappelant nos jours moins heureux, moins faciles. Comme si l’on avait peur de déranger, avec notre joie, comme si l’on avait peur de gosser avec nos sourires étampés dans le visage. Comme si le bonheur devait être distribué au mérite. Comme s’il était plus simple d’être triste pour ne pas être jugé.
Sans étaler sa béatitude comme du crémage à gâteau trop sucré, sans hurler son allégresse au nez de n’importe qui, on peut-tu vivre notre bonheur sans se sentir coupable, s’il vous plait?
Chialer, c’est un loisir populaire — et j’y joue parfois. Mais hey, on peut avoir travaillé fort en titi pour le salaire qu’on gagne. On peut avoir bûché pendant des années pour s’acheter cette maison-là. On peut avoir essuyé des dizaines de refus avant d’enfin réussir à atteindre notre objectif. La limite est parfois mince entre confiance et arrogance, c’est vrai. Reste que de discréditer les réussites des autres, que de ternir et de critiquer leur bonheur et leur succès, en plus d’être moche, ça n’apporte rien de bon en d’dans.
Le couple qui s’expose quarante mille fois par jour sur les réseaux sociaux — on a éternué en même temps! – we are so connected — il est énervant, d’accord, mais plutôt que de médire sur leur quotidien rose pastel, on peut passer par-dessus et juste les laisser vivre. Ce n’est pas le bien-être des autres qui cause nos déboires.
Dire à une amie, à un collègue, à un parent : « je suis contente pour toi », sans se comparer, sans rabaisser, sans noircir ce moment, ça fait du bien à tout le monde. Y’a des jours c’est la merde, y’a des jours ça va mieux, et on peut être là autant dans le chagrin que dans la rigolade.
Notre bonheur, pas besoin de le garder p’tit, on a le droit de le vivre gros.