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Petit frère et futur papa

Mon petit frère, t’es un adulte maintenant. Je sais bien que tu l’es.

Il faut que tu sois indulgent avec moi parce que tu vois, je les vois encore, moi, tes bouclettes blondes dans ton petit cou de bébé! C’était hier il me semble. Puis les années ont passé et, outre les moments où il m’arrivait de paniquer à l’idée que tu vieillisses plus vite que mon cœur était capable de le supporter, c’était drôle et captivant de te voir pousser. Tu es devenu, lentement, ce grand monsieur solide et fort, parfois faible et sensible que tu es maintenant.

J’ai essayé d’être une bonne grande sœur, de trouver les mots justes et les gestes appropriés pour être là pour toi, armée d’une tonne d’amour. Puis, tout naturellement, tu es devenu un ami. Mon meilleur ami. Tu es devenu une partie de tous mes projets, de tous les moments heureux qui ponctuent ma vie depuis plusieurs années. Je t’ai eu, à un moment ou à un autre, au bout du fil ou devant ma porte d’entrée, à toutes les fois où des tempêtes ont déferlé sur ma vie. J’ai vu de l’amour dans tes gestes maladroits pour me réconforter. Tes silences valaient parfois tellement mieux que les mots ou les conseils des autres. Du blondinet en couche qui me suit partout jusqu’à l’homme que tu es maintenant, il y a toujours eu cette connexion entre nous.

Puis un matin qui commence les autres, j’apprends ce que je m’efforçais si fort de dénier, tu as grandi. Tu es adulte parce que bientôt, tu seras papa. J’ai beau faire des listes qui n’en finissent plus, je crois qu’il n’y a rien au monde qui m’ait plus émue que l’image du papa que tu seras bientôt. Je pourrais te sortir les clichés habituels et te dire que l’idée que tu deviennes parent me fait sentir vieille ou que ça me fait ressentir une certaine pression en tant qu’aînée de la famille. Il y a peut-être, enfoui quelque part, un peu de ça, mais j’ai surtout envie de te dire à quel point je t’admire. Je sais que tu as peur, je sais que tu comprends dans le fond de tes trippes que la vie telle que tu la connais est sur le point de finir. Je sais et je le vois dans tes yeux quand tu en parles. Je voudrais effacer cette peur en te disant que ça va bien aller, que vous allez prendre les jours un à la fois et les années une à la fois aussi, inévitablement. Mais je ne peux pas te dire ça, petit frère. Parce que je n’en sais rien. Je sais rien de ce que tu t’apprêtes à vivre et pour une fois, je ne peux pas m’appuyer sur le fait que je suis plus âgée et que j’ai par défaut plus d’expérience derrière la cravate. C’est toi qui ouvre le bal sur celle-là. C’est toi le plus courageux.

Je peux te dire une chose par contre. Je peux te dire qu’il y a un magnifique proverbe sénégalais qui dit que ça prend tout un village pour élever un enfant. Je peux te certifier que ton village à toi est immense. Que tous ceux qui t’aiment ont les yeux rivés sur vous, sur ces mois qui s’en viennent où ils irriteront ta copine à force de toucher son ventre gonflé. Qu’il y a assez d’amour entre nous pour apaiser les jours où vous aurez besoin de prendre une douche ou les jours où vous aurez besoin de vous retrouver entre amoureux. Que cet être que vous vous apprêtez courageusement à mettre au monde n’aura même pas le temps de toucher le moindre coussin dans les soupers de famille tellement il y aura de bras chaleureux pour vous appuyer.

Je sais que tu es jeune. Je sais que la vie commence à peine et je comprends que ça fait peur. Je te connais assez pour savoir que c’est pas dans tes habitudes de faire des plans d’avenir et je sais pertinemment que même sans faire de plan, un bébé à 22 ans, c’était loin d’être prévu. Je comprends que tu aies parfois l’impression de perdre le contrôle sur ta vie, que le libre-arbitre devient un peu précaire lorsqu’une telle responsabilité nous tombe sur les bras. Toi et moi, on sait que ce ne sera pas toujours facile. Tu regretteras même souvent, ça te traversera l’esprit que ta vie d’avant était plus facile. Tu te sentiras coupable quelques temps et ça passera. Parce que ta copine et toi, vous vous aimez. Et si un jour, vous avez l’impression d’en manquer un petit peu, venez faire un tour à la maison. Votre village est là et il a de l’amour à revendre.

Je t’aime,

Tatie Marie.

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