Je suis une éternelle femme en crise. En crise d’adolescence, en crise contre le monde entier, en crise existentielle, en crise de nerfs, en crise économique, en crise de faim, d’amour, d’impatience. Je suis une intense, une attachée, une sentimentale, une fleur de peau.
J’aime faire des scènes, je suis une actrice. J’aime exagérer, m’insurger à la moindre remarque. J’aime crier des insultes et des sacres. Je change parfois d’opinion juste pour être le contraire de la discussion. Je hurle mes insatisfactions comme on vomit une surdose d’alcool fort.
J’adore m’imposer, m’interposer, exister. J’aime que l’on sache que je suis dans la pièce et que je ne laisserai pas ma chaise si facilement. Je suis en crise, mais je ne suis pas fâchée. C’est un réflexe. Vouloir tellement s’affirmer qu’on en vient sur la défensive, peu importe la conversation.
Je pète des coches légendaires, comme la fois où on m’a volé mon cellulaire, qu’on ne l’a jamais retrouvé et que j’ai hurlé, pleuré, traumatisé mon amie. Je m’en suis remise, comme de la crise de larmes quand on m’a volé mon cœur. Ça aussi, je m’en suis remise, parce qu’on s’en remet. Je n’ai pas eu besoin de recoller les morceaux restants, je me suis créé de nouvelles pièces. Des plus solides.
Je suis une femme qui pleure quand elle est fâchée. Je ne crois pas que j’en perds ma crédibilité, seulement c’est la réaction normale qu’a mon corps pour me contrôler, tellement mieux qu’une gifle pas assumée.
Je suis en crise économique constante, jusqu’à ce que, le jeudi, je flambe ce que j’ai amassé. Ensuite, je me crie des stupidités et j’écoule patiemment les deux semaines qui me séparent de ma paye, sans sortir de chez moi, jusqu’à ce que recommence mon cercle vicieux.
Je fais des crises pour rien aussi. Quand je suis seule et qu’il n’y a plus personne pour m’entendre. Souvent je réalise que j’ai tort, mais les mots sont déjà dits, entendus et réfléchis. Il est trop tard pour les reprendre et les faire tourner sept fois dans ma bouche.
Parfois, je bouille de l’intérieur en arborant mon sourire passif agressif et je finis par tout faire sortir, sauf que ça ne sort pas toujours comme je le voudrais.
Je suis en crise d’amour quand tout va tellement trop, trop bien que je sauterais à la gorge d’un étranger pour lui dire combien la vie est belle, bonne, capable. J’envoie à qui veut recevoir des becs soufflés juste parce que.
Je suis toutes ces crises que l’on fait quand on boit trop, quand on angoisse, quand on cherche des poux, quand on aime, quand on pleure, quand on exagère. Je suis toutes ces crises qui me gardent sur la pointe des pieds, qui me poussent un peu plus vers la limite, qui m’électrisent doucement et qui me rappellent pourquoi je suis là.
Et je fais toutes ces crises, sans jamais baisser la tête.