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Et si je ne voulais pas d’enfant?

Jeune, je me suis soumise à la norme sociale. Je répondais aux critères idéaux de ceux qui s’intéressaient à un côté plutôt personnel de ma vie : mes futurs enfants. Je les impressionnais et ils m’en félicitaient. Comme toute jeune fille influençable, j’ai vite établi le lien psychologique entre les deux variables : plus je voulais d’enfants, plus on m’encourageait. Alors, pourquoi s’arrêter à 1, ou 2, ou 3? Ou une caravane complète? The bigger the better !

Ce qui m’était familier à ce point dans le cheminement de ma vie, c’était un répertoire social et intellectuel assez limité. Mes intérêts regroupaient Cailloux, à 5:30 le matin, puis Annie Brocoli au retour de l’école. Le tout accompagné de ma collation compote de pommes.

La vie semblait parfaite : j’avais des parents qui m’aimaient, Cailloux et Annie Brocoli pour me tenir compagnie. Ce n’est pas surprenant que j’idéalisais ce style de vie et que je cherchais à mon tour à le recréer.

J’ai alors grandi. L’émission d’Annie Brocoli s’est fait retirer des ondes et je semblais avoir visionné tous les épisodes de Cailloux. J’ai commencé le primaire, submergée dans des classes qui piquaient tranquillement mon intérêt. Je me suis intéressée davantage aux mystères qui m’entouraient, plutôt qu’à l’élargissement de mon arbre généalogique. Les sacrifices qu’implique le fait d’élever des enfants m’apparurent de plus en plus immenses, pénibles. Je voulais tout voir et tout savoir. Avec des enfants, ça semblait improbable.

À 13 ans, j’ai commencé à partager ce changement d’opinion. Depuis, quand on me demande combien d’enfants je désire, je réponds honnêtement : un gros zéro avec une barre.

Les gens ont dès lors une de ces deux réactions. La première, c’est le choc. Ils sont choqués qu’une adolescente puisse vouloir déroger du parcours traditionnel de la vie. Ils s’en tiennent à ne rien commenter, portant un jugement silencieux. La deuxième, la plus insultante de toutes, c’est le rejet. Ça commence souvent par un petit rire étouffé, suivi par la fameuse phrase « ouin, tu dis ça maintenant, mais attends un peu, tu vas changer d’idée ». Quelle insulte de se faire dire que notre choix de vie, un choix très personnel, n’est pas idéal et ne sera donc pas pris au sérieux.

Oui, il est probable que je change d’idée, mais ça ne fait pas de mon opinion présente une impossibilité qui mérite de ne pas être considérée, ou prise pour vérité.

Comment pouvons-nous appuyer l’opinion d’une fillette de 5 ans prétendant vouloir cinq enfants, puis rejeter celle de la jeune femme de 19 ans déclarant n’en vouloir aucun?

Tout ce jugement, face à mes paroles pourtant honnêtes, crée le désir de fuir toute conversation dans ce sens. Je crains le sujet. À la seule mention du mot « enfant », j’ai peur qu’on me demande combien j’en veux. J’évite le sujet. J’angoisse qu’à notre cinquième date, le gars me pose la question qui compromettra tout avenir qu’il aurait pu envisager avec moi. Je fuis le sujet. Je crains décevoir mes parents si je ne leur donne pas les petits-enfants que Dieu sait qu’ils méritent. Je crains qu’un seul mot vienne à l’esprit des autres quand ils pensent à moi : égoïste. Parce que ne pas vouloir d’enfants, c’est se prioriser. Se dévouer entièrement à soi-même.

Comment puis-je promettre mon entier dévouement à un petit être alors je ne suis toujours pas branchée sur mon plan de vie du prochain mois? Comment puis-je promettre un futur confortable à un être alors que je chiale du coat check à 3 $ au bar? Et comment puis-je prendre une telle décision lorsque la vie est pleine d’opportunités dont je ne connais toujours pas l’existence. Le travail, les voyages et puis encore le travail. Voici mes trois plus grands intérêts à ce jour. Workacoholic, c’est un compliment. Et les enfants, ils n’ont pas de place sur cette liste à laquelle je n’impose pourtant aucune limite. Pourquoi? Parce que les enfants, en eux même, c’est une limite/responsabilité.

On me dit souvent qu’avoir des enfants n’égale pas une carrière médiocre. Je suis tout à fait d’accord. Le mariage travail-famille peut être un succès, mais je ne suis, pour l’instant, qu’en amour avec un : le travail. En 2017, bâtir un empire m’interpelle davantage que de bâtir une famille. Et moi qui haïs les chantiers de construction, en gérer un à la fois me semble justifiable.

Je ne suis pas hypocrite. Je demande aux autres de garder l’esprit ouvert face à mon choix, mais je promets d’en garder un également. Si à l’âge de 37 ans, j’ai l’appel de la maternité et que je souhaite avoir des enfants, et bien j’en aurai.

Mais là, j’ai 19 ans.

Alors, et si je te disais que je n’en voulais pas moi des enfants?

Par Sophie Robitaille-Meyer

Audrey Dumont

Source photo de couverture

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