Au printemps dernier, mon frère a eu un fils.
Quel bonheur!
J’étais plus que ravie, mais un drôle de feeling s’installait en moi. Je n’étais plus la cadette. Et plus, je faisais maintenant partie de la « deuxième génération ». Comme si mon frère était rendu au next level et que par intérim, j’étais également passée dans le monde des grands, des vrais de vrais grands.
Moi, par contre, je n’ai pas passé le gros boss de la vingtaine, je ne sais pas trop ce que je veux faire de ma vie, je ne suis pas encore indépendante de papa-maman, je n’ai pas fini mes études et je n’ai pas d’amoureux. Pas de chien non plus.
Tant de « je n’ai pas » pour un petit 2 ans de différence avec mon frère.
Alors, à la naissance d’Eliot, j’ai eu cette petite impression de décalage horaire. Un peu désagréable quand même. Mon frère m’a réconfortée : « t’es chanceuse de la vivre longtemps ta vie de jeune adulte ». Il a raison, c’est beau ma liberté.
Puis, cette semaine, mon frère m’a annoncé qu’il s’achetait une maison. Quelque chose d’assez sérieux qu’il peut s’offrir avec sa job sérieuse.
Le feeling est revenu.
J’ai l’impression aussi que les photos de mariage et de shower bombardent de plus en plus sur mon fil d’actualité Facebook tandis que de mon côté, l’idée « bébé-maison-golden » s’éloigne.
Et maman me répète : « ça sert à rien de te comparer ma Chouchoune. » Vrai. Mais c’est plus fort que moi.
Alors, je ne sais pas d’où ça vient, si c’est biologique, si ça provient de mon éducation ou si c’est la société qui me met trop de pression sur le dos, mais j’ai la sensation que ma montre est quelques années en retard.
J’aimerais ne pas avoir ce feeling. Parce que c’est rushant d’avoir cette pression inutile. La société est bien bien « lasagne » et comme dirait mon petit Émile Bilodeau : « Si McDo mène le monde, bien j’vais prendre un trio : un condo, un char pis une blonde pour qu’on puisse se prendre en photo.»
Ne-ne-non.
Sachez que c’est correct de finir ses études plus tard, de voyager juste pour découvrir, d’avoir des enfants sur un bateau, de ne pas avoir d’enfants « pentoute », de vivre dans une grange ou dans un appart avec ses amis.
L’important, c’est d’être heureux. Bien heureux.
Sachez qu’il n’y a pas juste une recette de lasagne. Et que la classique à la sauce à la viande est aussi bonne que celle avec des Kalamata et du chorizo.
Je travaille là-dessus. Bien fort.
Je garde les yeux pétillants, je l’aime ce petit Eliot.
Par Coralie Fortin-Bohémier
Marie-Ève Joseph
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