Une amie m’appelle à trois heures du matin. Pas dans ses habitudes. Je décroche. Elle hurle. Pendant 15 minutes. None stop. Incompréhensible. Peux-tu répéter? Horreur. Agression. Personne ne peut vraiment l’aider. Pas de souvenirs clairs, pas d’histoire, pas de témoins, pas de preuves, rien, désolé. Je suis vraiment désolé. Câlisse.
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Devant La Flèche Rouge, une femme essaie d’arrêter les passants et les passantes. Regardez-moi regardez-moi regardez-moi. J’existe. J’ai des yeux. Ça coule. Je crie. À l’intérieur, la libraire me dit : « Si j’appelle la police, ils vont la tuer. Il manque cruellement d’intervenantes à Hochelaga. »
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Raymonde fume toujours seule devant mon immeuble à appartements. Elle a travaillé pendant 50 ans dans l’entretien ménager. Pas d’enfants, pas d’argent. Elle me dit souvent : « Tu sais, tu peux venir me parler quand tu veux. C’est comme notre balcon icitte, comme on n’en a pas à nous autres. » L’autre jour, je lui ai prêté mon cellulaire parce qu’elle voulait se commander un club sandwich. Le meilleur en ville.
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Maxime ne sort presque jamais de chez lui. Anxiété généralisée. Anxiété sociale. Je ne sais pas. Pas médecin. Je cogne chez lui des fois en passant dans sa rue. Une petite heure. Comme ça. C’est gratuit. Il vient d’adopter un vieux chat. Pas assez colleur à son goût. « Veux-tu rester à souper? On peut passer à l’épicerie… » OK.
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Ils me coupent la parole. Tu devrais faire ci, tu devrais faire ça. À ta place, je. À ton âge. Suis mon conseil. Pas comme ça. Oui. Non.
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C’est à mon tour de chuchoter, de parler, de crier, de hurler. Te raconter mes journées, mes problèmes, mes secrets, mes niaiseries. Que tu sois là pour moi. Une présence rassurante. T’es même pas obligé de parler. Je veux juste que tu m’écoutes.
Artiste : Björk photographiée par Jean-Baptise Mondino