En juin, ça va faire huit ans que j’ai gradué du secondaire.
J’ai l’impression que je n’ai rien et tout fait en même temps.
Rien, parce qu’il n’y a rien de ce qu’il y avait sur la liste que je m’étais faite le lendemain du bal. Je ne suis pas allée faire un voyage en Afrique. Je ne suis pas devenue enseignante. Je n’ai pas 3 enfants, et encore moins un mari!
J’ai plutôt vécu la santé mentale. Pas celle d’un proche, la mienne. Le déséquilibre, le vide. Des centaines d’heures à écouter Dédé Fortin nous chanter la mort, et quelques fois nous chanter la vie. Un homme extraordinaire, une relation de quatre ans qui ne correspondait à rien de la liste de souhaits, mais qui était tellement passionnel. Je peux dire, cette relation-là, je l’ai vécue jusqu’au bout. En fait, jusqu’à ce que j’aille toucher le fond et que je remonte, doucement. Puis j’ai trouvé l’équilibre. L’équilibre a remplacé le vide. Je vois que ce qui m’apporte du bonheur a changé, alors j’ai changé.
Avant, une soirée au bar à danser, à boire des shooters payés par des inconnus, était symbole d’une criss de belle soirée. On se préparait chez nos parents, la musique dans le tapis. C’était dans les débuts de l’ère Facebook. Avant les caméras réversibles sur nos cellulaires. Les soirées, on les vivait pour nous, pas pour ce qu’on allait en penser sur Facebook.
Vous voyez, je peux dire que je deviens matante et pas juste à cause de la fille de ma meilleure amie qui est la plus belle de toutes. Je deviens matante, car les rares fois où je sors dans les clubs, je ne me sens plus à ma place et on s’assoit maintenant au bar pour parler du temps où on avait de l’audace. À minuit, on rentre à la maison boire une coupe de vin avec des chandelles et un bon film. Parce que maintenant, une soirée parfaite, c’est boire une petite bière à la Micro brasserie le Prospecteur en Abitibi un mercredi soir en regardant les vidéos d’une cocotte qui dit « papa » pour la première fois, et ne plus avoir envie d’être ailleurs. Je suis rendue matante parce qu’au resto, je suis jamais satisfaite du goût de mon café et qu’une sortie entre amies, c’est faire nos courses un lundi soir.
Huit ans après avoir gradué du secondaire, ma buckletlist a changé. Elle a évolué. J’ai évolué. Je ne vis plus dans le regard des autres. Il y a des choses qui sont restées les mêmes, mais elle est plus simple. Cette liste-là m’appartient, maintenant. Ce n’est plus celle de mes parents, de mes amis ou du jeune homme qui me fait les yeux doux.
En fait, je peux dire que je suis devenue une vieille jeune. J’ai encore plein de choses que je veux réaliser. Par contre, désormais, les jeunes de seize ans m’appellent MADAME et quand je leur dis que je suis jeune, ils me dévisagent parce que pour eux, et bien, je suis une matante!
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