Lui : « Ça va être quoi le thème de ton prochain texte? »
Moi : « Mon chum fume. »
Lui : « Si ça ne te dérange pas, je pense que je ne le lirai pas. »
La cigarette n’a jamais été un critère de disqualification pour mes prétendants. Vaut mieux un gars aimant qui fume qu’un merdeux non-fumeur, non? Et puis, le rationnel en amour, c’est pas un peu ennuyeux? Bref, quand je l’ai vu pour la première fois, je dois avouer que sa façon de fumer avait même quelque chose de sexy. Si on ajoute à ça son chandail des Deftones et sa mâchoire carrée, Cry Baby pouvait aller se rhabiller.
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C’était il y a dix ans. Les choses ont changé. La cigarette est sortie des bars, le cancer s’est acharné sur une personne aimée et je suis passée d’une fumeuse sociale à une abstinente convaincue. Nos appartements sont aussi devenus notre appartement. « Il va falloir que tu t’habitues à ça, la cigarette », m’avait dit un helper lors du déménagement. Non, je n’avais pas à m’habituer à vivre dans un environnement de fumeur. Je n’avais pas à hypothéquer ma santé pour une mauvaise habitude et encore moins celle de quelqu’un d’autre, même par amour.
Ensuite, les règles sont arrivées : interdiction de fumer dans l’auto et dans l’appartement. Évidemment, comme toutes bonnes directives, elles ont été transgressées à quelques reprises. Prenant mon rôle de police du tabac très au sérieux, j’ai vécu des altercations musclées avec l’individu en question. Une 728 de la boucane. Une Claude Poirier du mégot.
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La cigarette s’est insidieusement immiscée dans notre couple. Je partageais maintenant ma vie avec mon homme et Peter Jackson. Nos baisers goûtaient ‒ souvent ‒ le cendrier, nos soupers romantiques au resto étaient marqués par des pauses « santé » que je passais seule devant mon assiette, et nos déplacements du stationnement à l’épicerie duraient nécessairement 4 min 36, le temps exact pour lui donner le temps de finir sa clope.
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Vous me direz que ces petits accrocs ne sont pas majeurs, que je dois être tolérante, que je ne vais pas mourir d’être seule au resto avec moi-même. Vous avez raison. Toutefois, le cumul de ces petites manies s’est vite transformé en véritable irritant et en cause de disputes fréquentes.
J’ai toujours été une adepte du vivre et laisser vivre, mais la cigarette est une habitude et une dépendance qui dépasse largement le fait de se ronger les ongles ou de laisser traîner sa vaisselle sale. En fait, la cigarette et ses 4000 substances chimiques peuvent m’enlever la personne que j’aime, et c’est pour ça que je la déteste tant et que je déteste tant ceux qui la produisent. Parce qu’au fond, les cigarettiers, ce sont des pushers dont la job est légale, non? J’étais aussi en rogne contre mon chum. En rogne qu’il ne fasse pas plus d’efforts pour s’en débarrasser, qu’il dépense son argent dans un produit nocif pour lui et qu’il me laisse veuve à trente ans.
Aujourd’hui, après plusieurs tentatives pour arrêter de fumer, mon chum vapote. Est-ce mieux que la cigarette? J’ose espérer que oui. Je ne suis pas experte en la matière, mais de mon point de vue de blonde brune, la cigarette électronique comporte de nombreux avantages sur la clope. Mon chum a réussi à diminuer sa consommation de nicotine, il économise davantage, il sent meilleur et ses pauses « fumée » durent beaucoup moins longtemps.
La bataille n’est pas gagnée, mais depuis un an, Peter a disparu de notre vie, et l’espoir d’un monde sans fumée est revenu. Je nous vois vieux, ridés, rieurs et en santé.
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Par Josianne Vignola
Photo de couverture : source