Je n’ai jamais expérimenté la drogue, même pas un peu, pas une fois. Je passais le plus clair de mon temps à idéaliser, ivre de cet idéal qui me semblait inaccessible et si lointain, l’amour au masculin. J’ai dû attendre longtemps, trop longtemps. J’ai dû cacher mon attirance pour eux, ces garçons qui aimaient les filles, ces garçons qui ne m’aimeraient pas.
Les années ont passé, puis je suis tombé en amour. Il m’a aimé, mais mal. Il m’a aimé comme un enfant qui ne prend pas soin de son jouet et le casse. Ce jouet, c’était moi. Il était une fois un rêve, un rêve qui allait toutefois devenir une drogue. Je n’avais simplement pas goûté à la substance, celle qui allait tout faire chavirer, cette substance, c’était lui.
Il était assez beau pour que je daigne le rencontrer, pas assez pour que je me fasse des idées. Je lui laisserais sa chance, mais de la chance, c’est moi qui en avais besoin. En posant mon regard sur lui, j’ai compris, ce high que tant de gens décrivent. Le début d’une romance, les deux pieds dans la pire des dépendances. Il m’a aimé, mais mal, il m’a aimé comme quelqu’un qui ne s’aime pas. J’allais l’aimer pour deux. Au péril de l’étouffer, au risque de le tuer d’amour.
Notre histoire s’est arrêtée, comme une chandelle qu’on laisse brûler. J’ai enfin goûté à cette drogue, celle qui fait monter si haut qu’il devient impossible de redescendre. Celle qui fait si mal qu’on en redemande. J’ai tenté de l’oublier pour effacer le moment où j’ai réalisé qu’il n’était plus là. Je me souviens de son rire, de son odeur, de notre première fois. De mes «je t’aime» qui faisaient résonner le silence en attente de leur écho, écho qui mourait avant de revenir jusqu’à moi.
Puis, la descente aux enfers, même en été, c’était l’hiver. Je ressassais le passé, la peur au ventre de le croiser. Jaloux de gens que je ne connaissais pas, j’enviais celui qui prenait sa commande au restaurant. Juste une dernière fois, j’aurais souhaité qu’il me regarde. Qu’il me dise ces mots tendres, ceux que j’ai toujours voulu entendre. Un jour, il en aimerait un autre, ce jour, je le repoussais comme la fin du monde.
Je l’ai croisé, au bras de celui qui m’avait remplacé. Il était tout ce que je n’étais pas. Il était celui qui dormait dans ses bras. J’ai pleuré de rage, j’ai maudit cette drogue et ses ravages. Il coulait dans mes veines et moi vers l’abîme. Coupable de l’avoir aimé, je purgerais une peine à perpétuité. Je ne pourrais lui souhaiter de mal, simplement de l’aimer si fort, que si un jour son amour prenait le large, il comprendrait ma douleur. C’est ma vie, je suis en désintox de lui.