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J’ai bien fait de lui laisser une chance, car le yoga et moi, on a fini par s’aimer. Le genre de relation où on pouvait ne pas se fréquenter pendant trois semaines sans s’oublier et se retrouver un matin d’automne en tête à tête. Heureux de se voir. Sans attentes. Simplement. Facile. De plus, je l’ai présenté à tellement de mes amis et on a voyagé ensemble, il est plus simple qu’il ne parait et ma mère l’adore.
Je me souviens de ma première classe de yoga. J’avais détesté ça. Du genre, ark-sérieux-quessé-ça-c’est-ben-lent-j’ai-mal-aux-hanches-pu-jamais. À mon grand désespoir d‘adolescente, c’était un choix de cours que je ne pouvais pas me permettre d’abandonner. C’était ça ou le spinning. Respirer en me concentrant pour engager mes muscles profonds afin de stabiliser la position de l’arbre me semblait étrangement plus envisageable à long terme que de pédaler en me faisant crier après.
Il est pour moi inconcevable qu’on me crie après (aussi motivant cela puisse être dans certaines situations d’entraînement) dans une séance de yoga. Comme il me semblerait illogique de pédaler à vive allure en écoutant de la musique de pluie. Pourtant, depuis que le mot « namaste » est Pinterest et que le tsunami de « fityoga » a déferlé sur nous. Je me sens sinistrée face à tout ça. On a dénaturé le yoga.
Depuis que c’est cool…
Mon inconfort face à la présente inondation ne vient pas de l’ampleur du phénomène. Je suis ben ben heureuse que ma tante trippe autant sur cette discipline que mon chum. Là où il n’y a pas de pompe à eau, c’est au rythme effréné qu’on a laissé moisir sur l’art de prendre le temps d’arrêter le temps. Les gens veulent se mettre en forme et vite. Mais faire du hot hot HOT yoga 4 fois par semaine, pendant 1 mois, en laissant son cell sur le bord de son tapis, avec des poids de 2 lbs sur chaque cheville et en buvant 4 litres de thé vert, ce n’est pas une bonne idée, Ginette. Tu vas te blesser en glissant sur ta propre sueur. On a cassé le yoga.
Savasaquoi?
Malgré toutes les applications qui servent de piètre introduction et les enseignants charlatans dans tout ça, il y a encore du vrai. Des professeurs impliqués dans la transmission de l’art du yoga, et qui, même dans une optique de mise en forme, ont la formation et l’expérience adéquates pour guider des pratiques sainement. Des studios qui ont une mission claire et authentique. Des espaces qui peuvent servir de bulles d’apprentissage et de découverte sans pression. C’est à nous de trouver un endroit qui convient à nos besoins. Des endroits où le yoga a le droit de vivre.
À chacun son tapis
J’ai l’impression qu’on a tué le yoga. Je suis aussi convaincue que c’est le genre de truc un peu magique qui a un karma assez positif pour se réincarner et s’adapter à son environnement. Facile pour lui de s’égarer entre les #yogaoftheday sous des photos de postures avancées dans le sable blanc à Hawaï et son tapis. J’aime donc penser qu’il retrouvera son chemin et que j’ai bien fait de lui laisser une chance.