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Les autres n’ont pas besoin de savoir, sauf que…

Nous deux, on s’est rencontrés grâce à Tinder. T’sais, tout le monde en a un, mais personne ne le dit. Te souviens-tu comment j’étais gênée quand on est allés prendre un café?

« Tu parles pas ben ben, toi », que tu m’as dit.

Ben, ça compensait pour les fois où je suis une ostie de grand’yeule. Un vrai moulin à parole. Une pie. Je sais que tu ne m’aurais pas endurée, si j’avais été ainsi. Mais, rapidement, ma gêne s’en est allée. Déjà à notre deuxième date, je te parlais de ma gang de filles dont je m’ennuyais, de ma job que je n’endurais plus, de mes notes qui diminuaient tout le temps…

« Tu te tais jamais, finalement? » as-tu soufflé, m’embrassant pour me clouer le bec. On va se le dire : c’était quand même cute.

De fil en aiguille, les choses se sont développées entre nous. À mesure qu’on se voyait, je sentais qu’il y avait quelque chose spécial entre toi et moi. Je parlais de toi à ma gang de filles, ma job avait soudainement l’air endurable, même qu’elle était pas pire, pis mes notes s’amélioraient enfin. Tu me faisais pas mal d’effet, je pense.

Pis tu n’avais pas l’air de m’haïr, non plus, t’sais. On faisait souvent des sorties, tu me faisais des petits cadeaux des fois pis ça t’arrivais même de me tenir la main en public. Même qu’on se donnait des becs quand les gens regardaient ailleurs. Ça roulait, entre toi et moi, on ne se cassait pas le bicycle.

À moment donné, après 2 mois de fréquentation, tu m’as amenée chez vous, dans ton petit 3 ½ dans Hochelaga. T’avais tout ramassé pour m’impressionner et t’avais mis des chandelles qui sentent bon, pour couvrir le fond pas frais. Avec tous ces gestes, impossible que je me trompe : tu ne m’haïssais vraiment pas.

Le lendemain matin, en nous réveillant, tu m’as toutefois coupée l’herbe sous le pied. Tu m’as dit que tu préférerais qu’on garde ça pour nous, que rien ne soit trop officiel. Que ça te pognait à la gorge le mot « couple ».

« Les autres ont pas besoin de savoir… », que tu m’as dit.

« Ouais, c’est que je voulais aussi. J’suis contente », t’ai-je menti.

On a continué comme ça. Des fois, j’aimerais ça te dire que c’était la dernière fois qu’on se voyait. Qu’on ne peut plus continuer de même. Qu’on arrête de se voir. Je me dis qu’en te disant ça, tu vas peut-être réaliser la valeur de ce qu’on a réussi à avoir toi et moi: une complicité sans pareille, une amitié sans égal, un amour qui ne se vit qu’une seule fois.

Des fois, j’aimerais ça être assez forte pour te laisser pour te montrer que je ne suis pas acquise. Mais ce n’est pas le cas, je ne suis pas assez forte. J’ai trop peur que ça fasse ton affaire, au final, parce que toi, t’es trop fin pour me dire que c’est fini. Et de toute façon, si j’étais si forte, ce que je ferais en réalité, je te dirais à quel point je t’aime et à quel point je tiens à toi, et à nous.

Au mieux, tu réaliserais que tu ressens la même chose que moi. Et à quel point tu as envie de le crier sur tous les toits. Que tu as envie d’exprimer toute la fierté que tu as que je sois ta chix. Que tu as envie de me présenter à ta mère, en me regardant avec une​ étincelle dans les yeux. Que tu as envie de me présenter à tes amis. Que tu as envie d’arrêter de cacher qu’on se voit depuis bientôt 7 mois, sans l’avoir mentionné à qui que ce soit.

Mais tout ça, c’est juste dans ma tête. Parce que tu ne veux pas qu’on sache que tu vois quelqu’un. Parce que je suis ton petit secret. T’sais, c’est vrai que les autres n’ont pas besoin de savoir, au fond. Sauf que…

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