Si facile parfois de tromper les apparences.
La fille que tu as croisée dans le bus mardi matin à 8h22 venait de vivre la pire semaine de sa vie. Elle semblait resplendissante, avec ses longs cheveux bruns soyeux et ses yeux noisette pétillants. Mais elle venait de se faire crisser là par son chum des quatre dernières années et il lui a avoué en même temps qu’il la trompait depuis le début. Elle n’avait pas dormi de la nuit; c’est fatigant, tirer tout le stock de son ex en bas du balcon du troisième étage. Pourtant, quand tu l’as accroché avec ton sac et que tu t’es excusé maladroitement, elle t’a fait un sourire en coin en répondant que ce n’était pas grave. En dedans, elle déchirait et se demandait comment elle allait traverser chaque minute de cette journée.
Ensuite, tu as parlé à la gérante du café du coin quand elle te préparait ton moyen latte demi-caramel, demi-sucré avec lait sans lactose; elle semblait d’une humeur égale, comme tous les matins. Elle venait d’apprendre qu’elle était enfin enceinte, après des années et des années d’incertitudes et de doute face à sa fertilité. Elle mourait d’envie de le crier à toute la Voie lactée, mais voulait attendre les trois mois fatidiques. Personne ne s’en doutait.
Tu étais fascinée par le couple d’Olivia et de Samuel. Selon toi, ils étaient le couple parfait. Ensemble depuis des années, ne se chicanaient jamais, habitaient ensemble et avaient des carrières florissantes, et ce, à l’aube de la trentaine. Tu as su la vérité un jour glacial de décembre : Olivia est venue cogner à ta porte avec un œil au beurre noir. Elle était en pleine crise et tu as dû t’y reprendre plusieurs fois avant de comprendre la vérité : elle vivait de la violence depuis des mois et les apparences n’étaient qu’une carapace. C’était trop beau pour être vrai.
Puis il y avait Mikaël, le gars du bureau qui travaillait en comptabilité. Tu le trouvais si inébranlable, avec sa poker face habituelle. Joueur de football, employé vénéré, beau bonhomme, il avait tout pour lui, en plus d’être ben « smat ». Il ne parlait jamais de ses émotions. Tu l’as trouvé un jour seul dans la cafétéria du bureau, la tête dans les mains, larmes coulant sur ses joues. Mikaël avait un trouble d’anxiété généralisée; il faisait crise par-dessus crise sans pouvoir les contrôler et n’avait aucune confiance en lui. Il s’écroulait après des années de façade.
Tellement facile de juger les gens au premier abord. Mais « everyone fights a battle inside that you know nothing about ».
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