Pis si un jour, tu te réveillais, très heureuse, un peu nostalgique. Il ne te manque rien, tu ne veux rien changer. Tu veux seulement te rappeler, plonger dans de vieux souvenirs et entendre à nouveau ces éclats de rire d’un autre siècle.
Si un jour, je sais pas, tu as les cheveux blancs, ta santé va bien, ta famille t’entoure toujours, mais tu repenses à ton jeune temps. Tu repenses à tes premières fois. La première fois que ton cœur a battu si fort que tu arrivais à peine à placer deux mots l’un à la suite de l’autre. Tu avais des étoiles dans les yeux lorsque tu l’apercevais, et tu l’as su; tu n’étais plus une enfant, tu étais une amoureuse.
Si tu te réveillais en pensant à ça? Ton premier amour, tes premiers rêves d’une vie à deux, de projets à deux, tes premiers baisers, tes premières caresses. La première fois que tu t’es sentie aimée, pas comme une enfant, pas comme une amie. La première fois qu’on t’a aimée d’égal à égal, sans penser à ce qui pouvait être et ne pas être.
Tu vois, t’avais probablement jamais repensé à cette personne. En tout cas, pas depuis un moment et pas de cette manière-là. Tu ne t’ennuies pas, tu es reconnaissante. Tu es reconnaissante d’avoir croisé ses beaux yeux, sa douceur, mais aussi ses yeux fâchés et sa pitié quand il t’aura dit que c’est fini, qu’il ne se voyait plus avec toi dans ses rêves.
Tu auras gardé sa trace quelques années, tu te seras informée de temps à autre de ce qu’il devenait, de son état, de sa famille. Est-il heureux? Tu te réjouiras sincèrement de son bonheur chaque fois, tu lui seras reconnaissante d’avoir fait un bout de chemin avec toi, il y a une éternité de ça.
Et puis si un matin tu te réveillais, la vie ayant passé, des années plus tard. 50, 60, 70 ans plus tard… Imagine-toi, tu lis le journal, tu es bien. Tu es fière d’être là où tu es, avec qui tu es. Tu as vu la vie passer et tu ne voudrais rien y changer. Ce matin, tu as tout de même ce petit souvenir qui refait surface, ce petit baume sur ton cœur, cette petite pensée pour ton premier amour, qui t’aura appris plus qu’il ne l’aurait cru, il y a des lunes de cela.
Et puis il est là. Tout à coup. Sur les pages de ton journal. Décédé. La vie aura passé pour lui aussi. Tu ressens un pincement au cœur, tu repenses aux éternités que tu t’étais imaginées avec lui, à ce tendre premier baiser. La nostalgie s’explique, mais il y a des choses qui ne s’expliquent pas. Le lien qui t’unissait à cette parcelle de ton existence n’est plus. Plus que jamais, c’est un souvenir, un moment d’éternité qui s’envole pour toujours.
Tu n’auras plus jamais de nouvelles de lui, et tu te demandes peut-être s’il a eu une pensée pour toi.
Un doux départ, doux comme son passage dans ta vie, c’est ce que tu lui espères.
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