L’actualité des derniers mois offre des sujets chauds qui enflamment les réseaux sociaux. Je suis toujours fascinée par la quantité de gens qui déversent leur fiel sous diverses publications. Alain Juppé, un ex-premier ministre français, qualifiait les réseaux sociaux de « poubelles de l’univers. » On est bien tenté de lui donner raison en voyant cette armada de commentaires insignifiants, transpirants souvent l’ignorance, l’intolérance, la mauvaise foi ou le racisme.
Beaucoup de chroniqueurs ou d’influenceurs vont les dénoncer en faisant circuler à leur tour des captures d’écran de commentaires peu reluisants. Je comprends l’idée de condamner les propos tenus. Toutefois, j’éprouve un certain malaise quand les commentaires sont récupérés pour en tirer des inférences, que ce soit de manière directe ou indirecte, sur les gens en général ou sur certains groupes présents dans notre société, dans le but de les discréditer. En effet, la plupart du temps, les auteurs des commentaires n’occupent pas de rôle particulier et n’ont pas été mandatés d’aucune manière par les groupes auxquels ils appartiennent. Bref, on donne une visibilité et un pouvoir à des gens qui normalement n’auraient pas dû en avoir.
En outre, j’ai l’impression que la diffusion des commentaires haineux contribue surtout à conforter les gens dans leurs préjugés, entravant le dialogue et polarisant le débat. Cela pourrit le climat social, et par le fait même, nuit au vivre-ensemble entre les différents groupes de la société. Dans le cadre de débats aussi chauds et sensibles que ceux de l’immigration et de la laïcité, il est dangereux de refuser d’écouter ou de considérer des points de vue opposés au nôtre, seulement sur la base de commentaires d’individus discréditant eux-mêmes leur propre opinion.
Pour que la diffusion des commentaires haineux cesse, il faut d’abord et avant tout qu’il y en ait le moins possible. Il est certain qu’on ne passe pas au-delà de nos idées reçues du jour au lendemain. Cependant, on peut sensibiliser les gens aux règles de la nétiquette, qui sont des règles de conduite sur internet. On peut également proposer la règle des trois filtres de Socrate. Grosso modo, avant de publier un commentaire, il faudrait au moins que les propos soient vrais, bons pour la personne ou le groupe concernés, ou utiles1. Autrement, il vaudrait mieux que l’individu s’abstienne de commenter.
Bref, l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux a eu pour conséquence de rendre publics des propos qui se tenaient auparavant à l’oral et dans l’espace privé. Ainsi, derrière leur écran, plusieurs se sont donné le droit de passer outre du respect et des règles élémentaires de bienséance. Il importe donc en tant que société de sensibiliser les gens aux conséquences des commentaires haineux sur internet, tout en enseignant des balises claires pour aider les gens à bien se comporter en ligne.
Source
[1]https://www.lespasseurs.com/3passoires.htm; https://www.univers-rosalie.com/pages/articles/la-regle-des-trois-filtres-de-socrate.html.