Ça n’a pas toujours été ensoleillé chez moi; même qu’il a déjà fait très noir. Le genre d’obscurité à laquelle tu ne t’habitues pas. Celle que tes yeux n’apprivoisent tout simplement pas au fil du temps pour apercevoir de légères lueurs ombrageuses qui te guident. Non, la vraie noirceur d’une forêt lointaine, où tu te sens perdu.e, désorienté.e. Celle où tu ne sais tout simplement pas vers où aller. Le ciel est dénudé, vide.
Peu importe les pas que tu fais, tu as peur de ce qui t’attend. Même s’il y a une chance que tu puisses t’en sortir, tu doutes et ta tête te convainc que t’es mieux de rester là. Le problème c’est que, plus tu restes sur place, plus tu t’enfonces, car le sol est à la fois fragile et boueux.
Tu nages dans le néant.
Ce qui fait le plus mal, c’est quand tu réalises que c’est toi-même qui t’es enfoncé.e aussi loin dans cette forêt…
Ç’a commencé quelque part, cette histoire-là. Tu ne t’es pas rendu.e là par magie.
Un jour, t’as pris le volant de ton auto en oubliant la destination où tu te rendais. Ce qui te semblait au départ une aventure excitante et vivifiante est devenu assez vite une course folle. Durant cette course, tu as pris sur ton passage des gens que tu ne désirais pas avoir avec toi. Ces passagers clandestins t’ont rendu.e méfiant.e et renfermé.e en oubliant ceux qui étaient vraiment importants. Parce que ceux qui comptaient ont toujours été là, mais ils ont vite décidé de débarquer de cette voiture. La raison, c’est qu’ils ont vu, avant toi, le mur dans lequel tu te dirigeais. Ils ont vu que, là où tu allais, ça semblait obscur. Ils te l’ont dit et répété, ils te l’ont même crié à tue-tête en espérant que tu ferais demi-tour, mais tu n’as rien écouté. Tu t’es entêté.e et ils t’ont quitté.e. Ils l’ont fait pour leur propre bien.
C’est après ces pertes qu’il y a des petites lucidités passagères qui ont fait surface durant le reste du voyage. Elles t’ont chuchoté à l’oreille de ta conscience, tous les jours, que t’as roulé tellement vite, depuis ton départ, que t’as oublié d’embarquer l’essentiel non pas dans tes valises, mais dans ton cœur : tes valeurs, tes émotions, ta vraie personne.
Pis c’est là qu’un jour, l’auto est tombée en panne. Elle n’avait plus de gaz, t’as oublié d’en mettre. Dans tes idées de grandeur et dans ta distorsion, tu t’es imaginé qu’elle roulerait à l’infini
Tu t’es retrouvé.e seul.e, au milieu de cette putain de forêt, n’ayant plus rien pour t’éclairer.
C’est à ce moment que tu as eu peur parce que tu t’es enfermé.e dans tes pensées noircies par la honte et le désespoir. Tes démons te grugeaient l’existence. Tu t’es aperçu soudainement que durant tout ce voyage, tu t’étais perdu.e profondément. L’ironie du sort est quand tu réalises que c’est toi-même que tu cherchais au départ.
Quand j’ai avoué toute l’impuissance que j’avais dans le cœur : c’est là que le Soleil s’est levé.
Aujourd’hui, je vous rassure, il fait relativement beau par chez nous. Il peut faire noir à l’occasion, mais pas autant que dans cette forêt au milieu de nulle part. Car aujourd’hui, la lune m’éclaire et mes pas sont guidés par le rythme de mes émotions et par l’amour qui m’entoure.
Chaque jour, mon miroir me dit qu’il aime ce qu’il voit, que j’me suis enfin retrouvée. Mes yeux sont mon nouveau point de repère; si j’aime comment ils brillent, c’est que tout va bien. Depuis mon désir de ne pas retourner dans cette noirceur, j’y vois toujours des étoiles.
Pis j’vous jure qu’aujourd’hui, grâce à ça, il fait pas mal tout le temps soleil dans mon cœur.