J’ai 14 ans. L’école, les amis, la famille pis la découverte de ce que je me disais qu’aimer une fille différemment devait être. Pas aimer comme j’aimais mon ami Éric ou ma cousine Julie, ‘mettons. Une autre sorte d’amour. L’amour qui gêne. L’amour qui fait qu’on devient mou. L’amour qui change les chenilles en papillons.
Elle s’appelait Karine. Une belle grande brune avec de petits yeux pétillants en tout temps. Et, ça, c’était quand elle ne souriait même pas. Alors, imaginez lorsqu’elle le faisait. Imaginez comment je m’efforçais de la faire sourire. Quelques fois, je la faisais trop rire et à ce moment on perdait l’étincelle dans ses yeux déjà petits, car elle les fermait complètement. Mais elle riait et c’est tout ce qui comptait.
Durant les cours, je pouvais la fixer pendant des heures à en tomber dans la lune. Si seulement à cette époque j’avais commencé le café, je l’aurais assurément salé comme le disait si bien ce maudit beau et grand chanteur du nouveau band à la mode: « Les B.B. », dont la seule qualité selon moi (que l’orgueil me faisait admettre) est qu’il avait un beau prénom.
Les filles de ma classe ne parlaient que de lui. Surtout Karine. L’étincelle que je lui donnais quelques fois venait de laisser place à un incendie oculaire lorsqu’elle parlait de lui. Lorsqu’elle fredonnait ses chansons. Lorsqu’elle arrivait le lundi matin en criant haut et fort qu’elle venait de mettre la main sur un nouveau poster acheté chez HMV et joint aux 17 autres déjà en place sur ses murs de chambre. (Et je ne vous parle pas des photos, collants et gribouillis sur son étui et sur les couvertures de ses manuels.)
Patrick Bourgeois par-ci…Les B.B. par-là…
Ça me rendait malade.
J’avais seulement envie de lui crier : « Fais attention! J’pourrais m’en aller pour de bon…» Sur un air bien connu…
Mais je ne pouvais pas aller bien loin, même école, même rue.
Quoique, si j’allais chanter sous son balcon..? Nan…
Et aujourd’hui, 28 ans plus tard, j’apprends que la maudite maladie t’a emporté. J’ai pogné d’quoi. Tu m’as rappelé des maudits beaux souvenirs. Et pis non, je ne t’haïssais pas. Loin de là, même. Je te jalousais. Terriblement. Ton look, ta crinière, ton charisme, ta voix et tes chansons. Le ton de voix me résonne encore en tête sur l’intonation que tu prends sur le mot « crier » dans la chanson « Tu ne sauras jamais » dans la phrase « Oh! Si je pouvais CRIER au ciel. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, jeee t’aime…» Ça venait des tripes…
Je voulais être le Bourgeois de toutes les adolescentes et de Karine particulièrement. Je connaissais toutes tes tounes par cœur bien que, quand on était un garçon adolescent de 14 ans, fallait pas le dire et encore moins le laisser paraître.
Merci pour tous ces beaux souvenirs mélodieux qu’on ne peut, encore aujourd’hui, s’empêcher de fredonner lorsqu’on les entend. Tu fais partie de ma jeunesse, de ma mémoire musicale.
Je n’aurai pas eu Karine en fin de compte, car Milli Vanelli sont arrivés au même moment et comme à cet âge « l’amour » est éphémère, eh bien toi et moi n’aurons fait que passer dans sa vie.
J’ai recroisé Karine au secondaire quelques années plus tard. Elle était toujours aussi belle. J’aurais bien voulu lui dire :
« Doooooonne-moi une petite channnnce, ALLEZ….», mais, malheureusement, je n’avais pas beaucoup changé…
Merci Patrick. Merci. ? ❤
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