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Dans l’ombre d’un rêve – Par Carolanne

Vingt-trois heures. Malade, très malade. Seule chez moi.

J’écoutais de la musique, couchée, mais sans fermer les yeux. Quand je ferme les yeux, c’est que j’suis triste. J’avais froid malgré ma couverte pis le feu dans mon foyer. J’ai monté la température. J’ai baissé la luminosité de mon ordi. Mal à la tête. Gros serrement. Puis, plus rien.

***

J’étais sur un quai. Y’avait de la brume partout. Une brume blanche, dense, lourde. Ça m’écrasait. J’voyais pas plus loin qu’un mètre devant moi, mais j’voulais pas me retourner même si y’avait toute ma famille, tous mes amis pis ben d’l’argent sur la rive. Pis d’un coup, j’ai eu une idée. J’ai sauté dans l’eau noire. Elle était aussi épaisse que la brume. C’était dur d’avancer. Mais j’ai fait ce que j’pouvais. Je voyais pas mes bras en nageant. Je voyais pu la rive en arrière. Je sentais quelque chose de visqueux passer entre mes pieds. Des poissons? Je sais pas. J’avais pas peur.

J’ai nagé, nagé, nagé.

La brume m’étouffait. J’avais l’impression de respirer dans une paille, mais j’me sentais bien pareil.

Après un bon moment, j’ai senti quelque chose de froid au bout de mes doigts. C’était comme un mur. J’ai jamais été capable de dire la couleur que ça avait. Un mélange de colère pis de hâte.

J’ai suivi la paroi fraîche du bout des doigts. Une première cavité. J’ai continué. Une deuxième. J’ai senti quelque chose de dur sur ma jambe. J’ai monté dessus. Puis j’ai vu. J’ai vu les deux cavités carrées, une noire et une blanche.

L’eau noire est disparue comme dans le fond d’un bain. La brume a pris possession de l’endroit. J’étais sur une grosse roche cylindrique pleine de mousse. C’était haut. Pis fallait que j’aille ailleurs avant de tomber moi aussi. Vous aurez deviné qu’il fallait que je choisisse entre les deux. La cavité noire ou la cavité blanche?

« Blanc c’est bon, pis noir c’est mauvais. » Tout le monde disait ça, mais moi, j’croyais pas à ça. J’ai sauté dans la cavité noire, pis j’ai couru.

Y’avait rien d’étrange, rien de terrifiant, mais j’sentais qu’il fallait que je coure. Faque j’ai couru. La cavité s’est resserrée. J’ai dû me courber le dos vers l’avant. J’avais mal au dos. J’ai pris un bâton pour m’aider. Pis après un bout, c’est redevenu plus grand. J’ai marché. Ça allait mieux. Mais plus j’avançais, plus la cavité rapetissait. J’avais l’impression de rapetisser en même temps qu’elle. J’ai perdu l’équilibre. Je suis tombée. C’était rendu tellement étroit que j’ai dû marcher à quatre pattes, puis ramper. Ensuite, plus rien : du noir. J’étais bloquée. C’était trop serré. Mes mouvements étaient limités. J’avais l’impression que quelqu’un me poussait à me rendre de l’autre côté.

D’un coup, du blanc. Des sourires.

Je suis née.

J’avais choisi la vie.

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